La
prononciation de l’anglais contemporain dans le monde Variation et
structure
Sous la
direction d’Inès Brulard, Philip Carr et Jacques Durand, avec la collaboration
de Sylvain Navarro
Toulouse :
Presses Universitaires du Midi, 2015 Broché. 461
pages. ISBN 978-2810703821. 29 €
Recension de Stephan Wilhelm Université
de
Bourgogne (Dijon)
La
prononciation de l’anglais contemporain dans le monde : variation et structure, publié aux Presses Universitaires
du Midi et dirigé par Inès Brulard, Philip Carr et Jacques Durand, initie le
lecteur à la prononciation de l’anglais contemporain dans sa diversité
géographique sans pour autant négliger certains des facteurs stylistiques qui président
à sa variété. Les auteurs se concentrent sur les systèmes phonologiques des dialectes
sans omettre de décrire leurs particularités phonétiques ainsi que les
phénomènes d’incidence lexicale qui les caractérisent. Les spécificités
syntaxiques et lexicales des variétés étudiées ne sont pas passées sous
silence, mais l’ouvrage se concentre avant tout sur les dimensions phonétiques
et phonologiques des dialectes sélectionnés, c’est-à-dire sur la diversité des accents qui leur correspondent. L’ouvrage fournit en premier lieu les
outils nécessaires pour appréhender la variation phonétique et phonologique observée
en anglais contemporain et présente les objectifs et les stratégies poursuivis par
les anglicistes du projet PAC (Phonologie de l’Anglais Contemporain). Il
propose ensuite au lecteur un parcours dans les îles Britanniques, pour le
conduire finalement au-delà de leurs confins. Sa structure n’est ainsi pas sans
rappeler celle de la trilogie de J.-C. Wells, Accents of English. Lorsque cela est nécessaire, les auteurs abordent
des considérations d’ordre historique et diachronique pour rendre compte des spécificités
de tel ou tel accent ou variété. La transcription d’un passage type
est fournie pour chaque accent, et un CD de haute qualité accompagne l’ouvrage,
illustrant concrètement les descriptions des auteurs. Des commentaires qui
mettent en regard les descriptions théoriques et les éléments audibles sur le
CD sont systématiquement formulés en fin de chapitre. Des exercices d’écoute, de
transcription, et de réflexion sont également proposés aux étudiants soucieux
de parfaire leurs compétences en phonologie et en phonétique pratiques. Enfin,
le lecteur est invité à s’initier au maniement du logiciel d’analyse phonétique
Praat pour approfondir l’analyse des enregistrements. Des fichiers compatibles
avec l’utilisation de celui-ci sont fournis à cet effet en complément des
documents audio. Introduction, par Inès Brulard, Philip Carr et Jacques Durand I. Cadre de référence Chapitre 1 : Inès Brulard et
Philip Carr : Le cadre phonologique Chapitre 2 : Jacques Durand :
Le cadre phonétique : l’Alphabet Phonétique International Chapitre 3 : Jacques Durand et Anne
Przewozny : La variation et le programme PAC : Phonologie de l’Anglais
Contemporain Chapitre 4 : Steven
Moore : La Received
Pronunciation : l’accent de référence de la Grande-Bretagne Chapitre 5 : Jacques Durand et Sylvain
Navarro : General American II. Les îles Britanniques Chapitre 6 : Inès Brulard et Jacques
Durand : L’anglais écossais standard (SSE) Chapitre 7 : Monika Pukli :
Scots : la variation des
formes basilectales en Ecosse – Annabank (Ayrshire) Chapitre 8 : Gabor Turcsan et
Sophie Herment : L’anglais du nord de l’Irlande (Ulster) Chapitre 9 : Emmanuel Ferragne
et Franck Zumstein : La République
d’Irlande Chapitre 10 : Emmanuel
Ferragne : Le Pays de Galles Chapitre
11 : Steven Moore : L’anglais
du Black Country Chapitre 12 : Inès Brulard et Philip
Carr : L’anglais du Tyneside Chapitre 13 : Hugo Chatellier
et Steven Moore : L’anglais de
Manchester Chapitre 14 : Philip Carr et
Inès Brulard : L’anglais londonien III. Au-delà des îles Britanniques Chapitre 15 : Ulrike Gut :
L’anglais nigérian Chapitre 16 : Raphaël Domange :
L’anglais indien Chapitre 17 : Anne Przewozny :
L’Australie Chapitre 18 : Anne Przewozny et
Cécile Viollain : La
Nouvelle-Zélande Chapitre 19 : Véronique Lacoste :
L’anglais et le créole à la Jamaïque Chapitre 20 : Cécile Viollain
et Sylvain Navarro : Boston Chapitre 21 : Philip
Carr : L’anglais du Texas et du Sud
linguistique américain Chapitre 22 : Amélie
Josselin-Leray, Jacques Durand et Stéphanie Lopez : L’anglais canadien standard La section initiale de l’ouvrage établit le cadre dans lequel les sections ultérieures
seront abordées avec profit. Le lecteur y est initié aux notions clefs de la phonétique
et de la phonologie et les auteurs définissent les objectifs et de la
méthodologie du projet PAC. La RP et le General American, accents de référence pour
la majorité des apprenants de l’anglais langue seconde, font également l’objet
d’une description synthétique. Dans le premier chapitre, Inès
Brulard et Philip Carr décrivent les concepts essentiels à l’étude de la variation et posent les
bases indispensables à toute réflexion sur la diversité des accents de
l’anglais. La phonologie est définie comme l’étude des sons distinctifs des
langues et de leurs diverses variétés, en l’occurrence de l’anglais et de ses dialectes
géographiques. Pour établir le cadre dans lequel l’ouvrage doit être appréhendé,
Inès Brulard et Philip Carr définissent les unités minimales observées à
divers niveaux de structure. Sur le plan segmental, il est ainsi question du phonème
et de ses allophones. Au niveau syllabique, de l’attaque, de la rime, du noyau
et de la coda. Ce chapitre introduit également quelques notions de phonologie
suprasegmentale avec la description du pied métrique, unité fondamentale de la
structure rythmique de l’anglais, et celle des éléments qui sous-tendent la
structure intonative de la langue. Dans le chapitre 2, consacré au
cadre phonétique, Jacques Durand, initie le lecteur à la lecture et au
maniement de l’Alphabet Phonétique International, de ses symboles et de ses diacritiques.
Ceci implique nécessairement l’établissement d’une typologie du mode d’articulation
des phonèmes de l’anglais contemporain et un survol de leurs réalisations phonétiques.
Ce ne sont pas ici les phonèmes en tant qu’abstractions phonologiques qui constituent
l’objet d’étude, mais bien les sons produits et perçus dans les diverses variétés
géographiques et parfois diachroniques de l’anglais. Au nombre de ceux-ci sont recensés
quelques sons rares encore récemment attestés dans le pays minier de la
Northumbrie, le parler des gallois anglophones ou encore les cliques (mais
oui !) occasionnellement employées par une palette plus large de locuteurs
natifs de l’anglais. Dans le troisième chapitre de
l’ouvrage, Anne Przewozny et Jacques Durand définissent les
concepts de base de la variation linguistique et présentent les objectifs et les
stratégies du projet PAC (Phonologie de l’Anglais Contemporain). Si la variation est observable sur
les plans lexical, syntaxique, sémantique et pragmatique, elle l’est aussi et,
d’une certaine manière, avant tout au niveau phonétique et phonologique. C’est
cette facette de la diversité observée dans le monde anglophone contemporain
que le projet PAC vise à mettre en lumière alors que l’enseignement traditionnel
de l’anglais langue étrangère prend essentiellement appui sur un nombre limité
de variétés standard. Les facteurs de variation pris en
compte sont multiples, même si la dimension géographique apparaît prépondérante.
Diverses formes linguistiques peuvent être observées alors que l’on se déplace
d’un pays ou d’une région à l’autre, mais des différences sont également attestées
entre les variantes privilégiées par des locuteurs issus de milieux sociaux
distincts. La variation est aussi présente dans la production des mêmes
locuteurs lorsque différentes situations de communication induisent des changements
de style ou de registre. Le protocole adopté dans le cadre du projet PAC permet
d’identifier l’ensemble de ces écarts et de transcrire les données de manière à
les mettre en évidence. Les fondements théoriques une fois posés,
Steven Moore définit la prononciation « standard » de l’anglais
britannique, la RP (Received
Pronunication, bien que l’auteur suggère de réinterpréter ce sigle et propose
d’adopter plutôt l’appellation Reference
Pronuncation) (chapitre 4). Steven Moore retrace brièvement l’historique de
la RP et fournit une description de ses spécificités les plus saillantes. Il en
recense également les évolutions récentes et s’interroge quant à son devenir.
L’ouvrage adoptant une perspective descriptive et non prescriptive, la RP n’est
en aucune façon présentée comme intrinsèquement supérieure à d’autres accents. Sa
description dans la section initiale de l’étude est cependant essentielle dans
la mesure où il s’agit de l’étalon utilisé par la quasi-totalité des manuels et
des dictionnaires qui définissent la prononciation de l’anglais britannique. Certaines
caractéristiques des accents recensés dans la suite de l’ouvrage peuvent être ainsi
appréhendées d’autant plus efficacement qu’elles sont définies par contraste avec
un standard dont la sonorité est familière à la plupart des locuteurs natifs et
à de nombreux apprenants de l’anglais. D’autres ouvrages adoptent une base
de référence américaine. C’est pourquoi, pour clore la section initiale de
l’ouvrage (chapitre 5), Sylvain Navarro et Jacques Durand s’attachent à décrire
le General American (GA), autre
accent de référence pour les apprenants de l’anglais langue seconde. Comme son
nom le suggère, le GA est d’une certaine manière plus représentatif de la
population américaine que la RP ne l’est de la communauté linguistique en Grande-Bretagne. Contrairement
à ce dernier accent, en effet, il ne constitue pas un standard établi par une
minorité sociale envisagée comme prestigieuse. Il est en revanche moins
homogène et plus difficile à définir. La description proposée par Sylvain
Navarro et Jacques Durand passe en revue les principales spécificités consonantiques
et vocaliques du GA. Elle comporte notamment un passage éclairant sur l’emploi
de la battue alvéolaire, phénomène plus complexe qu’il n’y paraît. Elle fait également
la part belle aux phonèmes vocaliques observés avant /r/, phonème auquel
Sylvain Navarro a consacré plusieurs années d’étude, et décrit brièvement quelques-unes
des évolutions récentes du GA. La deuxième partie de l’ouvrage présente une palette représentative de variétés de
l’anglais parlé aujourd’hui dans les îles Britanniques. Dans le chapitre qui ouvre cette
deuxième section (chapitre 6), Inès Brulard et Jacques Durand proposent une description
méthodique de l’anglais écossais standard (Standard
Scottish English ou SSE). Ce traitement fournit une habile transition entre
la première et la deuxième section, dans la mesure où le SSE, accent caractéristique
des classes moyennes supérieures en Écosse, constitue d’une part un accent
standard, à l’instar de la RP dans le reste de la Grande-Bretagne et du General American outre-Atlantique, et fournit
d’autre part une ouverture vers la variation dans les îles Britanniques. Il n’est pas toujours facile de circonscrire
le SSE dans la mesure où des considérations dialectales se superposent fréquemment
à des éléments de nature phonétique et phonologique. Comme ailleurs dans l’ouvrage,
Inès Brulard et Jacques Durand choisissent de s’attacher avant tout à ces
derniers, accordant une importance particulière à l’influence de la rhoticité
sur les voyelles du SSE, ses absences d’opposition de longueur vocalique et ses
caractéristiques suprasegmentales les plus saillantes. La description du Standard Scottish English revêt une
importance particulière dans le contexte du débat autour de l’indépendance de
l’Écosse et des considérations identitaires qui lui sont liées. Certaines des influences
et des évolutions qui ont récemment affecté le SSE sont passées en revue. Le chapitre suivant est lui aussi consacré à l’Écosse. Après la description du Standard
Scottish English, Monika Pukli décrit au chapitre 7 les caractéristiques
phonologiques et phonétiques du Scots
parlé des Borders aux hautes terres
septentrionales (Scottish Highands).
Il n’est donc pas question ici du seul Lowland
Scots, mais d’une véritable mosaïque
de variétés utilisées en alternance avec le SSE ou superposées à ce dernier dans
trois grandes régions linguistiques d’Écosse : les basses-terres centrales
(ou Lowlands), le sud, et le nord du
pays (les Highlands). Il existe en
effet un nombre suffisant de points communs entre tous ces accents pour qu’ils
soient regroupés sous une dénomination unique. S’il est impossible d’exclure
certaines caractéristiques lexicales, morphologiques et syntaxiques de la
description du Scots, Monika Pukli privilégie comme partout ailleurs dans l’ouvrage
les caractéristiques phonologiques et phonétiques de la variété qu’elle décrit.
Elle recense entre autres les principales différences systémiques entre le Scots et la RP ainsi que les
particularités qui le distinguent du SSE. Une description sommaire de quelques-unes
des caractéristiques du Scots des Highlands,
induites par l’interférence ou le substrat gaélique, est également esquissée. Le troisième chapitre de la deuxième
section (chapitre 8), rédigé par Gabor Turcsan et Sophie Herment, présente les
caractéristiques saillantes de l’anglais parlé en Ulster. Pour des raisons historiques
bien connues de ceux qui s’intéressent à la question d’Irlande, on n’observe
pas d’homogénéité linguistique dans cette zone marquée voici peu de temps
encore par de violents affrontements, mais une juxtaposition de plusieurs
variétés parfois apparentées à l’anglais irlandais, parfois au Scots (Ulster Scots). Gabor Turcsan et Sophie Herment s’intéressent essentiellement
à la variété connue sous le nom de Mid-Ulster
English, dont le système vocalique évoque à plusieurs égards celui des
variétés écossaises décrites dans les deux chapitres précédents. La plupart de
ses spécificités consonantiques, pour leur part, rappellent les accents de la
République d’Irlande. Elles sont principalement observées sur le plan
phonétique, c’est-à-dire réalisationnel. Le Mid-Ulster
English possède toutefois ses caractéristiques propres. Gabor Turcsan et Sophie
Herment insistent notamment sur le système intonatif si caractéristique de l’anglais
du nord de l’Irlande et illustrent leur propos par plusieurs réflexions sur l’enregistrement
qui accompagne le chapitre. Au chapitre 9, Emmanuel Ferragne et
Franck Zumstein nous conduisent en République d’Irlande, où l’on recense tout
un ensemble d’accents. Seuls les traits les plus saillants de ceux-ci sont répertoriés
dans cette étude à visée essentiellement introductive. À Dublin, par exemple, on
peut entendre le Local, mais aussi le
Mainstream ou encore le Fashionable Dublin. Dans leur
description des spécificités systémiques et réalisationnelles de l’accent irlandais,
les auteurs se réfèrent fréquemment à des traits spécifiques de chacun de ces sociolectes. Les particularités communes aux
variétés de l’anglais parlé en République d’Irlande sont systématiquement
répertoriées : la spécificité des consonnes de thin et de then, la
réalisation de /t/ et de /l/, la coloration de certaines voyelles accentuées et
celle des voyelles réduites. Le phénomène de diphtongaison nommé vowel breaking observé dans certains
environnements fait également l’objet d’un traitement particulier, ainsi que
certaines particularités de l’anglais irlandais observées en lien avec l’accent
lexical. Dans le chapitre 10, consacré à
l’accent gallois, Emmanuel Ferragne décrit une variété géographique reconnaissable
entre toutes. L’influence directe du gallois ne se fait pas toujours sentir sur
la prononciation de l’anglais du Pays de Galles, malgré la vivacité de cette
langue cymrique dans cette terre britannique dont les côtes occidentales et la
partie septentrionale sont restées résolument celtes. Les sonorités de
l’anglais que l’on y entend n’en restent pas moins résolument distinctives. C’est un beau voyage dans le Pays du
chant que celui dans lequel l’auteur nous entraîne. Dans les sections consacrées
au vocalisme, on explore les spécificités systémiques, mais aussi certaines
particularités réalisationnelles de l’anglais gallois. Il est aussi question
des consonnes géminées et de l’intonation si particulière qui caractérisent les
accents du sud du pays. De manière assez surprenante, malgré la présence forte du
gallois et si l’on excepte quelques poches situées à proximité de la frontière
est du pays, les accents des Galles sont généralement non-rhotiques. Après nous avoir sobrement conduits dans
la découverte de la RP, accent standard britannique empreint des sonorités du
sud, Steven Moore nous mène au chapitre 11 dans sa terre natale, le pays minier
connu sous le nom de Black Country. Parfois
assimilé aux variétés entendues à Birmingham, l’anglais de cette région possède
sur les plans systémique et réalisationnel des caractéristiques propres qui
permettent de le définir comme un compromis entre les accents du nord et ceux
du sud de l’Angleterre. Si ce chapitre se concentre avant
tout sur les spécificités phonétiques et phonologiques des dialectes du Black Country, certaines des particularités
morphosyntaxiques et grammaticales de ces derniers sont si saillantes que
Steven Moore ne peut se résoudre à les passer sous silence. Ses remarques
trouvent écho dans les commentaires émis sur l’enregistrement qui accompagne le
chapitre. Inès Brulard et Philip Carr
décrivent au chapitre 12 l’accent de la région de Tyneside. S’il ne saurait
être question de confondre les Mackems
et les Geordies, les auteurs notent
que les accents utilisés par ces locuteurs dans deux zones distinctes du
Tyneside sont phonologiquement assez similaires pour être regroupés dans une
étude introductive des accents de la région. Apparentés à plusieurs égards aux
accents écossais, les accents du Tyneside possèdent des spécificités vocaliques
et consonantiques qui leur sont propres. Ils partagent du reste tout un
ensemble de particularités qui les distinguent des autres accents du nord
linguistique. C’est à la découverte de ces spécificités que nous entraînent Inès
Brulard et Philip Carr, en insistant sur le renforcement glottal si caractéristique
du Nord-est de l’Angleterre. Le lecteur désireux de s’exercer à la transcription
phonétique se voit proposer la possibilité de s'entraîner à partir de la première partie de
l’enregistrement fourni en complément de la description. Au chapitre 13, Hugo Chatellier et
Steven Moore s’intéressent à l’accent de Manchester. Leur description est celle
d’une variété caractéristique du Middle
North, région qui, selon certains auteurs, regroupe un ensemble d’accents qui
partagent un nombre suffisants de traits pour pouvoir être désignés sous une appellation
commune. La description proposée par Hugo
Chatellier et Steven Moore est, à certains égards, typique de la plupart des accents
du nord linguistique de l’Angleterre : usage d’une même voyelle dans les
mots de type FOOT et de type STRUT ainsi que dans les mots de type TRAP et de
type BATH, phénomène dit de « T to R », associations caractéristiques
entre contours intonatifs et catégories d’énoncés. Les auteurs décrivent néanmoins
certaines particularités segmentales des accents de l’ensemble formé par la
conurbation de Greater Manchester, le
Lancashire et le sud-ouest du Yorkshire. Quelques spécificités purement
mancuniennes font également l’objet d’un traitement particulier. Pour clore cette deuxième partie consacrée
à la variation observée dans les îles Britanniques, Inès Brulard et Philippe
Carr nous entraînent à Londres (chapitre 14). Non pas dans la prestigieuse City ni même dans les pittoresques
quartiers de Soho ou de Camden Town, mais dans l’East End, « à portée des carillons des Bow Bells », où l’on
entend force coups de glotte en position non canonique(1),
où /l/ devient une voyelle en position de rime syllabique et où fought et thought sont homophones. Il n’est pas question pour les auteurs de
décrire la variété hybride connue sous l’appellation de Estuary English, qui mêle des éléments de la RP à des traits du
parler populaire du sud-est de l’Angleterre, mais bel et bien d’initier le
lecteur à l’accent cockney de My Fair Lady
ou des bas-fonds londoniens que Charles Dickens représentait par l’emploi de
graphies originales. S’ils font la part belle aux spécificités phonétiques et phonologies
des variétés associées à l’est de la capitale britannique, Inès Brulard et
Philippe Carr décrivent aussi quelques-uns de leurs particularismes lexicaux et
morphosyntaxiques et ne résistent pas à l’envie de nous guider dans la
découverte du célèbre rhyming slang,
qui possède jusqu’au pouvoir de transformer des escaliers en fruits d’automne. La troisième partie de l’ouvrage entraîne le lecteur au-delà des confins des îles
Britanniques. Dans le chapitre 15, Ulrike Gut propose
une description de l’anglais nigérian, officiellement langue seconde dans la
majorité des structures éducatives nigérianes et lingua franca de l’élite intellectuelle du pays. En République
fédérale du Nigéria, anglais haoussa, anglais yoruba et
anglais ibo (ou igbo) se côtoient sans pour autant se mêler, les deux dernières
variétés étant souvent regroupées sous l’appellation d’anglais du sud Nigeria. Les spécificités segmentales des trois variétés sont décrites en termes de particularités phonologiques
et de processus caractéristiques, mais l’auteure émet aussi des observations qui
s’appliquent à l’ensemble des accents lorsque ceux-ci présentent assez de
similitudes pour permettre ce regroupement. Elle montre par exemple que l’anglais
nigérian présente un système vocalique réduit et consacre une partie importante
de son traitement aux éléments suprasegmentaux qui caractérisent ses variétés :
accent lexical, intonation et structure rythmique. S’appuyant sur d’autres
travaux, Ulrike Gut suggère que les particularités observées au niveau de l’accent
lexical pourraient être dues à l’influence de la structure tonale du haoussa, du
yoruba et de l’igbo. Au chapitre 16, Raphaël Domange
entreprend de fournir une introduction à l’anglais indien, langue seconde
utilisée par une minorité de locuteurs mais ayant acquis un statut de lingua franca pour diverses populations
sur le continent indien. Si l’anglais indien regroupe inévitablement une
pluralité de variétés différentes, celles-ci possèdent assez de
caractéristiques communes pour que cette désignation permette de circonscrire un
ensemble cohérent de spécificités. Après avoir énuméré brièvement les facteurs
historiques responsables de l’ancrage de l’anglais dans la société indienne, Raphaël
Domange fournit des éléments relatifs au statut culturel, à l’acquisition et à
la transmission de l’anglais en Inde ainsi qu’aux transferts d’éléments caractéristiques
des langues natales vers l’anglais. Il décrit également la structure segmentale
et suprasegmentale de l’anglais parlé aux Indes, ce qui lui permet d’identifier
plusieurs de ses particularités vocaliques systémiques et de ses spécificités consonantiques
réalisationnelles. Les caractéristiques rythmiques de l’anglais indien sont
aussi recensées. Anne Przewozny nous invite pour sa
part aux Antipodes, en Australie (chapitre 17). Après avoir retracé l’historique
de la colonie pénitentiaire et recensé les différentes théories avancées pour
rendre compte de l’évolution de l’anglais australien jusqu’à nos jours, l’auteure
décrit le continuum observé entre les trois variétés sociolectales recensées dans
le Commonwealth d’Australie : le Broad,
le General et le Cultivated Australian English.
Malgré la vaste superficie du pays, la variation observée aujourd’hui dans l’accent
australien est essentiellement sociale et non géographique. Anne Przewozny fournit
une description détaillée de ses systèmes segmentaux en insistant sur les particularités
réalisationnelles qui caractérisent chacun des trois sociolectes. Elle décrit
enfin les particularités suprasegmentales de l’accent australien et décrit l’une
de ses caractéristiques les plus saillantes : le recours fréquent au High Rising Terminal, c’est-à-dire à des
schémas intonatifs ascendants en fin d’énoncé déclaratif. Plusieurs exemples de
ces contours sont fournis dans l’enregistrement qui accompagne la description. Au chapitre 18, le lecteur demeure en Océanie
où Anne Przewozny et Cécile Viollain le convient à découvrir les accents de l’anglais
de Nouvelle-Zélande. Les auteures rappellent que cette variété a été soumise à diverses
influences en raison de la diversité de l’origine des immigrants qui peuplèrent
l’archipel au milieu du XIXe siècle. Elles identifient les particularités segmentales
qui différencient les accents néo-zélandais de l’accent australien. Les plus saillantes
sont observées au niveau des voyelles brèves, mais la liste ne se limite pas à
cela. Des spécificités phonétiques et phonologies sont également recensées au
niveau des voyelles longues et des consonnes, dont certaines évoquent à
certains égards l’anglais américain. Il est également question dans ce chapitre
du High Rising Terminal, dont
plusieurs exemples sont à nouveau fournis dans l’extrait audio proposé en
illustration. Bénédicte Coste nous invite à
découvrir la Jamaïque (chapitre 19), où l’on trouve non pas une variété
homogène, mais un continuum dont les deux pôles sont constitués par le créole
et un acrolecte assimilé à l’anglais standard enseigné dans les structures
scolaires. De manière prévisible, on observe dans le créole et les variétés
intermédiaires une simplification des systèmes segmentaux, mais la situation ne
saurait se résumer à cela. Après avoir fourni des précisions historiques
relatives à l’histoire de la Jamaïque, Bénédicte Coste fournit une description minutieuse
des phonèmes vocaliques et consonantiques recensés en anglais jamaïcain en
insistant sur les traits saillants des variétés situées aux extrémités du
continuum. L’enregistrement qui accompagne la description est celui d’un
locuteur dont l’accent mêle certaines spécificités du créole à des éléments caractéristiques
des lectes plus prestigieux. Le chapitre 20 fournit à Cécile
Viollain et Sylvain Navarro une occasion de nous ramener sur le continent
américain, où ils s’emploient à nous faire découvrir l’accent de Boston. Hautement
reconnaissable, celui-ci se distingue par sa non-rhoticité, particulièrement saillante
dans le nord des États-Unis. C’est au point que l’une des sources citée par les
auteurs décrit en ces termes la situation linguistique qui prévaut en Nouvelle
Angleterre : « To this day, New England survives as an r-less island in
the midst of a sea of r-fulness ». Les membres de la communauté bostonienne
ne sont pas peu fiers de représenter cet îlot de résistance, et l’un des locuteurs
enregistré sur le CD d’accompagnement s’avère être le président d’une société
appelée « No-R lifestyle ». Cécile Viollain et Sylvain Navarro
fournissent des repères historiques qui permettent d’appréhender le paysage
linguistique bostonien et établissent un inventaire segmental détaillé de
l’accent de la ville portuaire. Ils identifient également les spécificités phonétiques
et phonologiques saillantes de l’anglais bostonien, insistant entre autres sur
les conséquences vocaliques de sa non-rhoticité. Au chapitre 21, Philip Carr poursuit
le tour des Amériques et nous conduit au Texas, état dont la superficie dépasse
celle de la France métropolitaine et où l’on observe par conséquent une
variabilité importante. Si l’on excepte une zone géographique à proximité de la
Louisiane où les Texans s’expriment dans des accents variablement non-rhotiques,
avec toutes les conséquences phonotactiques, phonémiques et distributionnelles
que cela implique, les accents du Texas présentent suffisamment de points
communs pour que l’on puisse les regrouper sous une appellation unique. Les
différences entre ces accents et le GA se situent d’ailleurs essentiellement au
niveau réalisationnel et non systémique. Philip Carr décrit diverses
particularités saillantes des accents du grand état méridional, comme des
phénomènes de diphtongaison, de monophtongaison ou de neutralisation, ou encore
certaines caractéristiques suprasegmentales du parler texan. Pour clore l’ouvrage (chapitre 22), Amélie
Josselin-Leray, Jacques Durand et Stéphanie Lopez nous mènent au Canada, deuxième
pays du monde par sa superficie, mais dont les accents présentent une relative
homogénéité. La variété décrit dans ce dernier chapitre est le Standard Canadian English, privilégié
dans les médias et utilisé par un nombre important de locuteurs issus des
classes moyennes comme des classes ouvrières. Après avoir retracé succinctement
les événements historiques susceptibles d’avoir influé sur la situation
linguistique qui prévaut aujourd’hui au Canada, Amélie Josselin-Leray, Jacques
Durand et Stéphanie Lopez décrivent les systèmes segmentaux du Standard Canadian English, assez
similaires à ceux du GA, puis recensent les spécificités réalisationnelles de
l’accent canadien, essentiellement vocaliques, ainsi que quelques-unes de ses particularités
liées à des phénomènes d’incidence lexicale. La prononciation de l’anglais contemporain dans le monde : variation et structure offre au lecteur une perspective vivifiante sur les diverses expressions de la langue parlée dans le monde anglophone. L’ouvrage tord le cou à une vision monolithique de l’anglais contemporain et constitue une invitation au voyage, informant une vision à la fois unifiante et plurielle de l’anglais à travers la mosaïque des accents qui le représentent. Utile à l’enseignant de l’anglais langue seconde, qui y trouvera matière à dépasser la conception uniforme de la langue parfois induite par une approche trop exclusivement fondée sur l’écrit, l’ouvrage sera également utile à l’universitaire désireux de parfaire sa connaissance de l’anglais tel qu’on le parle de nos jours. Indispensable à tout angliciste de niveau avancé et à l’étudiant en sciences du langage, il est également d’intérêt pour tout apprenant de l'anglais désireux d’étoffer sa connaissance de la langue pratiquée par les intervenants qu’il entend s’exprimer dans les médias ou par ses interlocuteurs anglophones. _______________. (1) Comme, à la vérité, dans de nombreux basilectes britanniques.
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