Les Républicains
de Dwight Eisenhower à George W. Bush (1952-2008)
Marie Bolton
& Frédéric Robert
Lille : Presses Universitaires du Septentrion, 2015 Broché. 399 p. ISBN 978-2757411438. 20 €
Recension de Sébastien Mort Université de Lorraine (Site de Metz)
Auteur de travaux
sur la Nouvelle Gauche et la contreculture – dont L'Amérique contestataire
des années soixante (Paris, Ellipses, 1999) et Révoltes et utopies: la contre-culture américaine dans les années 1960
(P.U.R, 2011) – Frédéric Robert est également spécialiste des ouvrages de
concours. On lui doit trois livres sur des questions de civilisation américaine
au programme de l’agrégation d’anglais : L'empire de l'exécutif :
La présidence des États-Unis de Franklin D. Roosevelt à George W. Bush
(1933-2006) (Paris : Ellipses, 2008), Le Sud après la guerre de
Sécession : De la Reconstruction à la reségrégation (1865-1896) (Paris :
Ellipses, 2009) et Les Années Roosevelt
aux États-Unis 1932-1945 : Entre New Deal et “Home Front” (Paris :
Ellipses, 2013). En tandem avec
Marie Bolton, il publie cette année un ouvrage aux éditions Septentrion sur les
Républicains de Dwight Eisenhower à George W. Bush, question au programme de
l’agrégation pour les sessions de 2016 et 2017. L’ouvrage est conçu comme un
manuel d’étude permettant aux candidat/e/s de s’entraîner à l’épreuve du
commentaire, et propose pour cela 50 textes en lien avec la question, assortis
de commentaires censés donner « tout
à la fois des éléments de méthode, des connaissances historiques solides, mais
aussi des exemples de rédaction », comme l’indique la quatrième de
couverture. L’ouvrage affiche
d’emblée un parti pris pour le moins surprenant : parmi les cinquante
textes qui composent ce recueil, quarante sont des discours de présidents, sept
sont des arrêts de la Cour suprême, l’un est un discours de représentant, un
autre un extrait de mémorandum, et un autre encore, un extrait de rapport d’une
commission de la Chambre. Une telle sélection montre une absence de diversité dans
le choix des supports, de même qu’elle révèle un manque de rigueur dans la
lecture du texte de cadrage publié par le ministère. Outre le libellé de la
question lui-même, le texte officiel précise bien qu’il s’agit d’étudier
« les Républicains » dans leur diversité (« L’ascension républicaine est rendue possible par des acteurs aux
profils très divers dont on veillera à prendre en compte la multiplicité »,
p.3), et donc de se pencher sur les élus, électeurs, penseurs, hommes et femmes
de médias ou encore activistes de terrain, et non pas seulement sur les
présidents, comme semblent l’avoir compris les auteurs du livre. Les écrits ou
prises de position de certaines figures n’ayant jamais occupé de fonctions
électives – telles Clifton White, Phyllis Schlafly, Richard Viguerie, Grover
Norquist ou encore Paul Weyrich – mais ayant très fortement influencé le parti
pouvaient fournir des matériaux susceptibles de constituer de bons supports
d’analyse. Par ailleurs, on
se demande pourquoi, alors que le choix initial semble s’être porté exclusivement
sur des discours présidentiels, ont été inclus dans le recueil des arrêts de la
Cour suprême. Si le contenu des discours présidentiels répond à une visée
stratégique de l’orateur – exprimer un point de vue, convaincre un auditoire,
légitimer un positionnement – qui reflète son allégeance politique et
idéologique, il en va tout autrement de la Cour suprême, qui n’est pas soumise
aux aléas de la politique. Les auteurs semblent donc traiter implicitement les
juges de la Cour comme des acteurs républicains au même titre que les autres. De
même, le fait que les discours d’Eisenhower et de Nixon traitent principalement
de politique étrangère – alors que les sujets évoqués par Reagan et Bush père
et fils semblent être plus variés – ne laisse d’interroger. Dans les deux cas,
aucune justification scientifique ou pédagogique n’est donnée au lecteur quant
à la pertinence de ces choix. Quant aux
commentaires, le lecteur s’étonnera tout d’abord que la moitié soit rédigée en
français alors que l’épreuve du commentaire donne lieu à une composition en
anglais à l’externe comme à l’interne. Ensuite, la démarche analytique,
pourtant essentielle dans un concours de recrutement de l’enseignement, est
tout bonnement absente de ce recueil pourtant censé donner « des éléments de méthode ». En lieu et place d’une
analyse rigoureuse d’éléments tirés des textes et méthodiquement ordonnés dans
une progression logique, au service d’une démonstration, les auteurs se
limitent à dire « ce qu’il y a » dans le texte, comme le montre par
exemple le commentaire du discours d’investiture de Barry Goldwater en
1964 : Goldwater cita Cicéron pour montrer à tous que ses prises de position
radicales étaient légitimes et compréhensibles et en aucun cas plus critiquables
que les postures permissives et laxistes de certains : ‘I would remind you that extremism in the
defense of liberty is no vice. And let me remind you also that moderation in
the pursuit of justice is no virtue’. Cette formule lui valut de nombreux
applaudissements. [105] Quand il n’ignore
pas le document sur lequel il est censé porter, le commentaire s’enferre dans
des généralités qui ne sont d’aucune utilité au candidat qui chercherait à
acquérir des stratégies d’analyse, comme en témoigne l’entrée en matière du commentaire
sur le discours de Reagan prononcé lors de la convention de 1976 : As with
the majority of Reagan’s speeches, most people who have heard his voice or seen
his smile as he spoke will relive the experience mentally as they read his
words. […] Reagan brought skills to the presidency that transcended politics.
Those in agreement with him drank in his words deeply and fervently, those
opposed to his policies hated him just as deeply, but few were left standing by
neutrally. [216] Parfois,
l’analyse cède la place à des développements oiseux et complaisamment délayés
sur des aspects annexes, voire anecdotiques, qui là encore ne fournissent aucun
élément conceptuel susceptible d’étayer une réflexion pertinente. Est-il par
exemple essentiel de consacrer un paragraphe entier d’un commentaire qui n’en
compte que cinq, à l’altitude réelle à laquelle volait le pilote de l’avion U-2
en 1960 ? [92] Dans la plupart
des cas, le commentaire se résume en fait à un petit exposé factuel sur le
contexte dans lequel le document a été produit, et le plus souvent sans que les
deux soient mis en lien, le tout rédigé dans un style empesé et laborieux. Tout
cela ne correspond nullement aux exigences d’un concours qui évalue précisément
les capacités d’analyse des candidats. Au final, l’étudiant qui souhaiterait
utiliser l’ouvrage pour s’exercer au commentaire et renforcer ses compétences
d’analyse ne trouvera aucune méthodologie ni proposition de cheminement lui
permettant de produire une composition ordonnée. Sur le plan de
l’expression, les commentaires sont émaillés de formulations à
l’emporte-pièce (« L’affaire
Brown fait désormais partie de l’histoire » [57]), voire absurdes –
comme lorsque les auteurs affirment page 56 que « le Civil Rights Act
[…] et le Voting Rights Act […]
améliorent quelque peu le sort des Noirs » alors que ces deux lois
constituent sans doute le tournant le plus important de l’histoire de la lutte
pour les droits civiques –, de tournures redondantes (« Eisenhower avait présenté sa politique de ciel ouvert dont le
but était de permettre aussi bien aux États-Unis qu’à l’Union Soviétique
d’avoir accès à leur espace aérien réciproque » [90]) ou
bien familières (« Un missile soviétique descendit l’avion U-2 de
Francis Gary Powers » [91] ; « Le président ne s’en laissa
pas compter » [106]). Il y a donc une
certaine malhonnêteté à proposer sous la bannière « Agrégation d’anglais
2016-2017 » un ouvrage qui témoigne d’une méconnaissance du format et des
exigences du concours, et dont les « éléments
de méthode » et autres « exemples
de rédaction » sont autant de modèles auxquels ne surtout pas se fier.
On ne pourra que mettre en garde les candidats contre cette supercherie, ou
déplorer que certains aient investi vingt euros dans l’achat de ce livre, une
dépense qui est loin d’être minime pour les jeunes agrégatifs qui souvent n'ont
que de faibles revenus, ou pour nos collègues certifiés qui passent le concours
interne.
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