Notions-clés pour la didactique de l’anglais
Claire Tardieu
Les fondamentaux de la Sorbonne Nouvelle Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2014 Broché. 236 p. ISBN 978-2878546484. 14,50 €
Recension de Martine Derivry-Plard Université Paris 6, Pierre-et-Marie Curie
Comment caractériser cet ouvrage intitulé Notions-clés pour la didactique de l’anglais qui n’est pas un dictionnaire spécialisé, encore moins un glossaire, et pas non plus un précis dans le domaine de la didactique des langues et des cultures (DLC, désormais) ? Son titre nous renseigne précisément, car il s’agit de notions-clés ; exeunt les mots et les concepts formalisés ou en formalisation dans le champ, et exeunt les thèmes incontournables selon l’écrit encyclopédique. Partir des notions, c’est ainsi faire ce chemin entre les mots qui viennent construire la notion liée à un ensemble de mots associés. La réflexion se situe à un niveau « méso » pour reprendre un terme bien utilisé en DLC. En effet, la notion se situe au milieu, à mi-chemin entre la définition du mot et celle, plus élaborée encore, du concept. Elle tisse les liens entre termes spécialisés et thèmes centraux de la DLC. Cette position qui ne ferme pas les mots, les termes et les concepts, donne à lire le travail conceptuel en train de se faire, et s’inscrit dans la démarche proposée par le Précis du plurilinguisme et du pluriculturalisme (Zarate, Levy & Kramsch, 2008). Toutefois, comme le titre l’indique, la DLC, telle qu’elle est envisagée dans le Précis précédemment cité, se limite dans cet ouvrage à la didactique de l’anglais, même si son propos s’insère bien dans ce mouvement allant de la DLC à la didactique de l’anglais et inversement. La position d’angliciste de l’auteure est ainsi affirmée, ce qui contextualise cette dynamique de la DLC et permet également de renouveler le questionnement de la didactique de l’anglais. Compte tenu de la position d’hyper-langue qu’occupe l’anglais dans le monde, la didactique de l’anglais en France constitue un champ de recherche aux enjeux spécifiques. Ceci, d’autant plus que la recherche en DLC se fait désormais en anglais, parallèlement à la langue exprimant l’enseignement-apprentissage d’une langue donnée. Par exemple, le français est utilisé pour rendre compte des travaux en didactique du français mais l’anglais est également utilisé pour en rendre compte au niveau international, niveau auquel sont de plus en plus évalués les enseignants-chercheurs. Par conséquent, ces entrelacs historiques entre la DLC, initiée en France par la didactique du français langue étrangère (FLE), et la pédagogie de l’anglais, devenue didactique de l’anglais, sont particulièrement signifiants et participent pleinement à la réflexion épistémologique et praxéologique que propose l’ouvrage. Chacun pourra donc y puiser les entrées qui l’intéressent et ces dernières ne manqueront pas de renvoyer à d’autres notions. La lecture en didactique correspond de plus en plus, dans ce cadre, à celle des hypertextes de l’Internet. Fort heureusement, les limites qu’offre le papier permettent de rester centré sur le propos. L’architecture du livre présente, à elle seule, un modèle du genre didactique actuel : - Un sommaire de 3 pages ; - Un préambule d’une page où l’auteure introduit son travail à l’aune d’une auto-réflexion rendue possible par le temps nécessaire entre celui de l’écriture et celui des relectures avant la publication ; - Une préface de deux pages rédigée par une fondatrice de la didactique de l’anglais, Danielle Bailly, professeur émérite de l’université Paris-Diderot qui situe l’importance d’une réflexion actualisée des notions choisies et présentées ; - Une liste des abréviations les plus fréquentes dans le champ ; - Les 28 notions-clés présentées en 158 pages, par ordre alphabétique et selon un même format de définitions courtes, suivies de commentaires faisant appel à diverses disciplines connexes (acquisition des langues, psycho-cognition, socioconstructivisme, histoire des méthodologies, linguistique anglaise, sciences du langage, communication interculturelle ou plurilingue/pluriculturelle) ; - Une bibliographie fournie de 42 pages pour suivre les références à partir desquelles se sont élaborés les commentaires des notions-clés, suivie d’une page des principaux textes éducatifs officiels en France. Il est à noter qu’en DLC, une bibliographie ne peut qu’être étoffée puisqu’elle constitue le répertoire du chercheur entre d’une part, les travaux « nationaux » et « internationaux » et d’autre part, les travaux choisis dans les différentes disciplines renseignant la didactique de l’anglais et la DLC ; - Une table des figures et tableaux d’une page ; - Un index des noms cités de 2 pages ; - Un index des notions complémentaires de 2 pages, venant faciliter la lecture des notions-clés par les notions complémentaires qui leur sont associées. Alors que, dans le domaine de la recherche, une pression de plus en plus grande s’exerce pour se diriger vers la production d’articles dans des revues à fort index, il est utile de réaffirmer l’importance d’ouvrages de synthèse. Ceux-ci dans le domaine des sciences, et sans doute plus encore dans le domaine des sciences sociales et des humanités, sont nécessaires pour consolider l’avancement des connaissances dans le champ. L’analyse plus précise de l’ouvrage aurait pu se faire par une méta-analyse d’une notion pour souligner la richesse des références et du commentaire synthétique, ce qui aurait ajouté du didactique au didactique mais surtout le choix de la notion aurait été arbitraire : quelle notion choisir ? Par conséquent, je tenterai simplement de présenter le répertoire didactique de l’auteure tel qu’il transparaît par son choix des notions-clés. En effet, les 28 notions-clés font appel à des disciplines différentes qui constituent le répertoire commun de la recherche en didactique de l’anglais et en DLC. Je propose de les regrouper en 4 axes disciplinaires, même si ce découpage n’est pas totalement satisfaisant. Quelques éléments d’une notion peuvent se retrouver dans deux axes, mais l’ensemble des références convoquées pour chaque notion semble cohérent aux 4 axes proposés. En prenant le nombre de pages comme simple indicateur pour représenter l’importance de chaque axe, nous avons le descriptif suivant : - Recherche en acquisition des langues, en psycho-cognition des langues et en sciences du langage : Acquisition-Apprentissage (3 pages), Attention-Motivation (7 pages), Compréhension-Stratégies de compréhension (4 pages), Faute-Erreur-Feedback correctif (2 pages), Grammaire-Réflexion sur la langue (7 pages), Langue-Langage-Communication-Discours-Interaction (6 pages), Mémoire-Mémorisation-Oubli-Imagination (8 pages), Mot-Vocabulaire-Lexique (3 pages), Phonétique-Phonologie (2 pages), Précision-Aisance (Accuracy-Fluency) (1page), Production-Stratégies de production (4 pages), soit 47 pages. - Recherche en méthodes, méthodologies des langues : Authentique-Didactisé-Pédagogique (3 pages), Autonomie-Méthodologie (6 pages), Certification-Testing (13 pages), Connaissance-Compétence (5 pages), Contrôle-Évaluation-Test-Certification (5 pages), Exercice-Activité-Tâche-Jeu (3 pages), Méthodes-Méthodologies (7 pages), TIC-EAO-FOAD-ALMT (4 pages), soit 46 pages. - Recherche en communication (anthropologie, sociologie de la culture, de l’interculturel, du pluriculturel) : Culture-Civilisation-Interculturel (6 pages), DNL-ÉMILE-CLIL-LANSAD-LSP (6 pages dont 1 page sur action et cognition), Élève-Sujet-Sujet Plurilingue (7 pages), Plurilinguisme-Bilinguisme-Monolinguisme (3 pages), Préjugé-Stéréotype (1 page), soit 23 pages. - Recherche en didactique de l’anglais et des langues - sciences de l’éducation : Didactique-Pédagogie (5 pages), Enseignant-Style d’Enseignement-Conscience d’Enseignant (3 pages), Enseigner-Instruire-Apprendre-Former-Éduquer (2 pages), LE-LM-LN-LScol-L1-L2-LS-LC (2 pages), soit 12 pages. À partir de ce descriptif, le répertoire de recherche de l’auteure construit selon son parcours professionnel apparaît plus précisément. En croisant ce premier regroupement aux références citées, on peut retracer son parcours professionnel allant d’enseignante d’anglais à professeure des universités. Ainsi, 83 pages représentent son intérêt pour la recherche en pédagogie institutionnelle, en sciences de l’éducation, en acquisition des langues, et en psycho-cognition. Ces premières dimensions constituent bien le cœur même de l’ouvrage auquel s’intègrent la recherche en English as a Foreign / Second Language (EFL/ESL), la recherche en DLC en France (à partir du FLE) et celle en Applied Linguistics au niveau international. Avec le Cadre Commun de Référence pour les Langues (CECRL) publié en Europe en 2001, la recherche actionnelle et le task-based learning (apprentissage par tâches) se sont particulièrement développés. Ils sont également largement commentés et analysés dans cet ouvrage, mais la dimension culturelle, interculturelle, plurilingue et pluriculturelle du CECRL, l’est beaucoup moins. Enfin, la didactique de l’anglais et la DLC, comme science sociale actuelle de l’enseignement-apprentissage de l’anglais et des langues, émerge avec une nouvelle génération de chercheurs. Le compte-rendu de cet ouvrage, en proposant une ébauche réflexive sur les possibles conditions ayant permis le choix de ces notions, s’inscrit modestement dans le processus de socioanalyse de l’esprit scientifique appliqué à chacun et à tous, que proposait Bourdieu (Science de la science et réflexivité, 2001). Afin d’instituer la réflexivité comme loi commune du champ, chaque chercheur contribue par l’exercice de la socioanalyse à la vigilance épistémologique, principe de liberté envers les contingences et les déterminismes. Notions-clés pour la didactique de l’anglais participe pleinement au titre de la collection des éditions de la Sorbonne Nouvelle : Les fondamentaux. Cet ouvrage est incontournable pour les étudiants, les enseignants, les chercheurs et tous les acteurs décisionnaires en matière d’enseignement de l’anglais et de l’éducation aux langues. Il fournit en effet les repères notionnels et la réflexion afférente dans le champ de la DLC, et surtout dans celui de la didactique de l’anglais, qu’il éclaire en termes simples, non jargonnants et très didactiques.
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