Harold Pinter, la liberté artistique et ses limites Approches des scénarios
Isabelle Roblin
Collection Champs visuels Paris : L’Harmattan, 2012 Broché. 236 pages. ISBN : 978-2-296-55808-3. 23,50 €
Recension d’Élisabeth Angel-Perez Université de Paris-Sorbonne
Dans ce livre, Isabelle Roblin s’intéresse, à la suite notamment de Steven Gale aux États-Unis et de Brigitte Gauthier en France, à Harold Pinter, non pas homme de théâtre, mais scénariste. L’auteure entreprend d’étudier tant les modalités de collaboration entre Pinter et les réalisateurs qu’il a côtoyés (Losey, Reisz et Schatzberg, mais aussi Kazan et Schlöndorff) que la manière dont Pinter a procédé aux adaptations pour l’écran signées tout au long de sa carrière. La première partie du livre, factuelle, retrace l’histoire des diverses collaborations entre Pinter et les réalisateurs et producteurs qui lui ont, pour la plupart, commandé une adaptation : entente presque parfaite avec Joseph Losey par exemple (The Servant, The Go-Between) ou au contraire relation conflictuelle avec Kazan (The Last Tycoon), voire littéralement explosive avec certains producteurs au point que Pinter se voie dépossédé de scénarios parfois pourtant déjà écrits (c’est entre autres le cas de The Remains of the Day réalisé par James Ivory). Cette partie, bien que plus anecdotique qu’analytique, ne manque pas d’intérêt. On comprend mieux ensuite comment Pinter, avec la personnalité sans compromis qui a été la sienne, a très vite considéré ses scénarios, au même titre que ses pièces de théâtre, comme des œuvres d’art à part entière, qui n’attendent pas nécessairement le passage à l’écran pour advenir. C’est sur cet aspect que le livre d’Isabelle Roblin pose les questions les plus fondamentales qui, par delà l’œuvre de Pinter, touchent au statut même de l’écriture scénaristique et à sa valeur per se même si, et c’est définitoire, un scénario est écrit « en vue du cinéma ». Mme Roblin invite à considérer le scénario comme un comme genre autonome, à en repenser l’hybridité comme constitutive du genre lui-même (« plus de la littérature et pas encore du cinéma »). L’œuvre échappe alors à cet entre-deux ontologique inquiétant mais se pose encomme une œuvre non pas « en devenir » mais déjà là. On ajoutera pour aller dans lesens d’Isabelle Roblin que les scénarios de Pinter (Proust notamment) sont traduits en français par des plumes – celle de Jean Pavans notamment –, et publiés chez Gallimard, ce qui les fait en quelque sorte entrer dans le canon… Pour l’approche analytique des scénarios, Isabelle Roblin procède en regroupant les œuvres autour de trois axes efficaces – la menace, la mémoire et la politique – et propose donc une lecture thématique. On pourra regretter que ne soit pas développée autant que nécessaire une réflexion sur l’organicité de l’œuvre qui aurait permis à I. Roblin de tisser des liens avec la production dramatique de Pinter. Pour autant, les prémisses d’une telle réflexion sont bel et bien posées. L’amateur de Pinter poursuivra la réflexion.
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