Essais
Ralph Waldo Emerson
Traduit par Anne Wicke
Paris : Michel Houdiard, 2000.
13,57 euros, 98 pages, ISBN 2-912673-00-3.
Essais : LIntellectuel américain, LArt,
Le Poète
Ralph Waldo Emerson
Traduit par Anne Wicke
Paris : Michel Houdiard, 2000.
12,04 euros, 96 pages, ISBN 2-912673-05-4.
La Solution
Henry James
Traduit par Florence Cabaret & Nicolas Ballier
Paris : Michel Houdiard, 2000.
12,04 euros, 96 pages, ISBN 2-912673-07-0.
LEtudiant de Salamanque
Washington Irving
Traduit par Jean Pavans
Paris : Michel Houdiard, 2001.
12,50 euros, 100 pages, ISBN 2-912673-14-3.
Lettres & autres écrits
Margaret Fuller
Traduit par Danielle Wargny
Paris : Michel Houdiard, 2000.
12,04 euros, 96 pages, ISBN 2-912673-06-2.
Georges-Claude Guilbert
Université de Rouen
Une excellente initiative des éditions Michel Houdiard permet
au public francophone de découvrir dans la collection Littérature
américaine des textes du XIXe siècle traduits par de
véritables spécialistes universitaires. Aucune facilité
commerciale ici, il ne sagit pas de traduire au lance-pierre
un quelconque best-seller contemporain pour vite faire bouillir la
marmite. Les traducteurs choisis ont de plus rédigé
des introductions brèves mais éclairantes.
Le premier recueil dessais de Ralph Waldo Emerson (1803-1882)
contient Nature, Confiance et autonomie, Cercles
et LAme suprême. Le deuxième, LIntellectuel
américain, LArt et Le Poète.
Nature (Nature) a été publié en 1836 ;
cest le premier livre dEmerson, considéré
comme le texte fondamental de sa philosophie et le « premier
grand texte transcendantaliste ». Confiance et autonomie
(Self-Reliance), Cercles (Circles) et LAme suprême
(The Over-Soul) sont quant à eux extraits de la première
série dEssais, publiés en 1841. Ils ont très
largement contribué à asseoir le renom dEmerson
en Amérique comme en Europe. LIntellectuel américain
(The American Scholar) est une conférence donnée
en 1837. LArt appartient également à la
première série dEssais, tandis que Le Poète
appartient à la seconde, publiée en 1844. Le choix de
ces textes constitue une introduction idéale à la pensée
dEmerson.
La Solution (The Solution), nouvelle écrite par Henry
James (1843-1916) en 1889 pour un périodique puis publiée
dans un recueil en 1892, était inédite en français
jusquà aujourdhui. Un diplomate américain
à la retraite se souvient dun mauvais pari qui du temps
de sa jeunesse lui a coûté plus que de largent ;
ou plus exactement, un narrateur anonyme prétend transcrire
une histoire que lui a narré un diplomate à la retraite.
À Rome, le diplomate a laissé son « âme
damnée », un diplomate français, le persuader
de jouer un tour à un autre jeune diplomate américain,
Henry Wilmerding. Ce dernier a pris la liberté de se promener
sans chaperon en compagnie de Veronica Goldie, lune des trois
filles de la veuve anglaise Mrs. Goldie. Les deux « plaisantins »
le poussent en conséquence à faire sa demande en mariage,
car selon les usages de la bonne société européenne,
laissent-ils entendre, la réputation de la jeune fille est
compromise
Cette nouvelle nest sans doute pas aussi importante
dans luvre de James quun classique comme Le Tour
décrou, mais elle est attachante, et comme tout texte
de James elle se lit avec délectation.
LEtudiant de Salamanque (The Student of Salamanca), de
Washington Irving (1783-1859), est un conte extrait dun recueil
paru en 1822 sous le pseudonyme amusant de Geoffrey Crayon et intitulé
Bracebridge Hall. Bien sûr, Irving est bien plus connu
pour Rip Van Winkle ou La Légende de Sleepy Hollow,
récemment adapté au cinéma par Tim Burton. Jean
Pavans résume bien le personnage : « Expatrié
par patriotisme, cosmopolite par goût national, assimilateur
de lEurope afin dy faire assimiler lAmérique,
adoptant un langage ancien pour imposer une culture nouvelle, sabsentant
enfin pour être mieux présent [
]. »
Irving a notamment américanisé avec bonheur des contes
traditionnels européens. On le considère généralement
comme le premier auteur de fiction américain devenu célèbre
des deux côtés de lAtlantique. LEtudiant
de Salamanque narre les aventures dAntonio de Castros qui
devient le disciple du vieil alchimiste de Grenade Don Felix de Vasquez,
père de la belle Inez. Irving y « déploie
toute la fraîcheur de sa fantaisie et toute la richesse de cette
cité dAndalousie quil a tant aimée ».
Cette traduction est la seule des cinq livres de ce compte-rendu de
lecture que je nai pas eu le loisir de comparer avec le texte
original, mais il est peu risqué de supposer quelle est
comme les autres plus quhonorable.
Lintroduction de Lettres & autres écrits de
Margaret Fuller (1810-1850) est plus longue que celles des autres
volumes de la collection, sans doute en raison de la moindre popularité
de cette écrivaine auprès des Français. Elle
nest en fait connue en France que des anglicistes et américanistes,
nayant semble-t-il jamais intéressé déditeur
avant Michel Houdiard. Il est hautement souhaitable que cette première
traduction donne lexemple. On disait volontiers jusque dans
les années 1970 que le personnage principal du roman dOliver
Wendell Holmes, Elsie Venner: A Romance of Destiny (1861),
sorte de femme serpent, devait nombre de ses traits de caractère
à Margaret Fuller. La Zenobia de The Blithedale Romance,
roman de Nathaniel Hawthorne (1852), est directement inspirée
par Fuller, qui se retrouve aussi à peine déguisée
sous la plume de James Russell Lowell. Cest que loin dêtre
une simple muse, Fuller est une véritable héroïne,
dans tous les sens du terme. Sa vie est un roman, jusque dans les
moindres détails, y compris sa fin tragique et spectaculaire
à lâge de quarante ans. Surdouée, polyglotte,
anticonformiste, essayiste de grand talent, Fuller était (dans
lensemble) traitée en égal par les transcendantalistes.
Journaliste, enseignante, éditorialiste, historienne, etc.,
elle était surtout féministe, une héroïne
féministe « précurseuse » (néologisme
féministe bienvenu dans lintroduction). Cest du
moins laspect de sa personnalité quà linstar
de nombreuses critiques américaines je retiens en particulier.
Cet ouvrage commence par quatre lettres adressées à
Ralph Waldo Emerson entre 1838 et 1843. Vient ensuite un court texte
critique consacré aux Essais dEmerson et publié
dans le New York Tribune en 1844. Il est suivi de « Quest-ce
qui autorise un homme à voter ? Est-ce dêtre
blanc à lintérieur, ou blanc à lextérieur ? »
et « La Pauvreté en Angleterre (lettres au New
York Tribune, 1846) ; « George Sand »
(lettre à Elizabeth Hoar, 1847) ; puis « Les
Américains en Europe », « La Révolution »,
et « LAgonie de la révolution »,
autant dessais inspirés, rédigés sous forme
de lettres adressées depuis le vieux continent au New York
Tribune en 1847 et 1848. Lettres & autres écrits
finit avec une lettre supplémentaire à Ralph Waldo Emerson
et la terriblement sombre « Prophétie »
(tristement vérifiée). Luvre de Fuller étant
si riche, il y a fort à parier que le choix de textes sest
fait dans la frustration, mais le résultat est encourageant
pour lavenir de la traduction des écrits de lécrivaine
en France.