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La lame et la plume

Une littérature de Jack l'Éventreur

 

Max Duperray

 

Collection Sang maudit

Paris : L’Harmattan, 2012

Broché. 251p. ISBN : 978-2336003016. 27 €

 

Recension de Jean-Jacques Lecercle

Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense

 

 

La flânerie, comme l’on sait, est un art. De cet art, Max Duperray est passé maître. Il nous a donné en 2000 un remarquable Londres, promenade sous un ciel couvert, et il a repris ses errances, cette fois avec un thème, à la fois géographique et littéraire : suivre la trace de l’Éventreur, dont on dit parfois qu’il est le plus célèbre enfant de Londres. Notre flâneur s’est fait fureteur. Il nous emmène dans ce qui reste de Whitechapel, où les gratte-ciel ont le plus souvent remplacé les taudis et où, dans les quelques vestiges du Londres victorien, les Bengalis ont remplacé les Juifs d’Europe centrale et les Irlandais. Et il nous promène dans l’immense littérature que le mythe a suscitée, et dont il connaît les moindres recoins.

Naturellement,toutes les vitrines ne sont pas attrayantes, et tous les livres consacrés à Jack ne sont pas bons. Duperray sait séparer le bon grain de l’ivraie (il consacre un chapitre au Dan Leno d’Ackroyd, un autre à ce qui est sans doute le plus grand roman de l’Éventreur, The Lodger, de Marie Belloc Lowndes) et il sait faire œuvre de découvreur, en célébrant des auteurs moins connus (Paul West, Brian Porter, Clanash Farjeon) – le moins intéressant étant sans doute la littérature à thèse, où l’énigme se trouve une fois pour toute résolue (les candidats ne manquent pas : le médecin de la reine, le peintre Walter Sickert, un psychiatre fou), ou bien la métafiction à la petite semaine, qui convoque William James, the Elephant Man, Arthur Conan Doyle ou Oscar Wilde (un des auteurs évoqués par Duperray a écrit un Jane Austen in Boca, Pride and Prejudice transposé dans le milieu juif de la Floride contemporaine : j’ai la ferme intention d’occuper ma paisible retraite à composer un Jane Austen à Athis-Mons). Mais le résultat est plus que probant : on reste impressionné par l’érudition du fureteur, et l’on méditera la leçon que l’on doit tirer de ce parcours, sur l’imbrication paradoxale de la réalité et de la fiction.

 

Cercles © 2013

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