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Le Parti libéral, 1906-1924

 

Françoise Orazi & Philippe Vervaecke

 

Neuilly : Atlande, 2010. Broché, 263p. 19 €. ISBN-13: 978-2350301310

 

Recension de Martine Monacelli

Université de Nice-Sophia Antipolis

 

 

Destiné aux candidats à l’Agrégation et au CAPES, ce manuel suit la structure commune des titres de la collection Clefs concours : il présente à la fois les repères chronologiques nécessaires à l’étude d’une question d’histoire politique et une sélection de thématiques complémentaires, éminemment utiles pour traiter du déclin du Parti libéral à partir de la victoire de 1906, sujet dans lequel entre en jeu une variété considérable de paramètres.

L’ouvrage ne pouvait commencer sans une mise au point sur l’abondante historiographie qui, depuis 1935, s’interroge sur les causes du déclin du Parti libéral britannique. On ne peut évidemment compter trouver en huit pages une exposition exhaustive des thèses en présence et encore moins une analyse véritablement critique de leurs mérites respectifs. Ce chapitre détaille [21] fort justement « quatre » principaux facteurs de déclin—même s’il est quelque peu étonnant de les présenter à la fois comme des causes et des « enjeux » : l’avancée du Parti travailliste, l’échec possible du nouveau libéralisme, l’impact de la guerre, la désunion des dirigeants. L’essentiel des diverses thèses est exposé dans un savant va-et-vient, mais l’on peut craindre que les étudiants comprennent mal les divergences subtiles entre les vagues révisionnistes et post-révisionnistes qui restent un peu confuses et ne sont pas rattachées à l’un ou à l’autre des grands courants explicatifs—l’un dit « inévitabiliste » et l’autre « accidentaliste ». Trevor Wilson par exemple est classé parmi les « inévitabilistes », alors qu’il a introduit un élément nouveau, accidentel, la guerre, se rajoutant, selon lui, au malaise temporaire du parti. Ce premier chapitre, en revanche, souligne bien un facteur d’importance dans le débat—la dilution progressive de l’identité libérale (laquelle est toutefois présentée trop simplement comme une conséquence de la guerre, autrement dit comme un facteur « accidentel »). On gage que l’étudiant sera au moins convaincu de la grande perméabilité des théories qui s’affrontent et de l’impossibilité de parvenir, en effet, à une « conclusion qui ferait autorité ».

Dans leur sélection des thèmes d’étude le choix des auteurs s’est porté sur les relations entre le Parti libéral et les autres partis, la politique des libéraux envers l’Irlande, le nouveau libéralisme, le suffragisme, la guerre des Boers et The condition of England. F. Orazi et P. Vervaecke (qui ont bénéficié de la collaboration de Richard Davis pour la question d’Irlande et la période 1918-1924) se sont efforcés de mener à bien cette tâche difficile qui consiste à faire d’un ouvrage écrit à plusieurs mains un ensemble homogène et équilibré. Qu’ils n’y parviennent pas toujours n’a rien de surprenant. Que l’anglais et le français alternent dans le livre n’est pas gênant ; après tout l’ouvrage est d’abord un manuel destiné à des étudiants. Que les thématiques soient traitées de façon inégale, ne serait-ce que parce que les diverses sections sont de longueurs très diverses, est davantage regrettable. Les parties intitulées « la guerre des Boers » et « The condition of England » sont à peine développées. L’Irlande occupe 23 pages, mais le suffragisme, sujet tout aussi épineux, trois seulement, en dépit du nombre impressionnant de monographies récentes sur le sujet (par ailleurs aucune référence bibliographique ne vient ponctuer ce chapitre). Cela entraîne nécessairement des raccourcis—la position des travaillistes vis-à-vis du suffrage des femmes doit notamment être nuancée. De plus les campagnes électorales des suffragettes contre le Parti libéral ou la création de l’Election Fighting Fund pour soutenir les candidats Labour sont passées sous silence. En revanche, la synthèse sur les relations entre les partis, écrite dans un style enlevé, est excellente, tout comme celle sur The Liberal Party and Ireland, également très réussie et qui parvient à rendre d’une grande clarté les enjeux de la question d’Irlande.

Le livre est pourvu de tous les outils méthodologiques que l’on est en droit d’attendre dans ce type d’ouvrage : un glossaire très complet recense les organisations proches du Parti libéral, le tableau récapitulatif des résultats des élections parlementaires entre 1906 et 1924 est très pratique, les notices biographiques sur les grands personnages politiques de l’époque courtes mais utiles, la chronologie des principaux événements marquants incontournable, la bibliographie choisie contient l’essentiel pour le lectorat ciblé par l’ouvrage. L’index, malheureusement, n’est pas toujours à la hauteur. Le lecteur est averti que celui-ci est sélectif, mais la raison des choix effectués ne saute pas toujours aux yeux : on y trouve par exemple la mention « Strange Death », mais pas l’auteur de la formule ; pourquoi insérer Duncan Tanner et pas George Dangerfield, Chris Cook et non Michael Bentley ? Pourquoi mentionner Mrs Fawcett et non les Pankhurst ? La liste des sujets traités et des termes spécifiques utilisés pèche elle aussi par sa maigreur : « Irlande », renvoie au début de la section rédigée en anglais [161] mais pourquoi omettre les pages 65-70 ou encore la p. 100 ? Pouvait-on ne pas inclure Stanger Bill, Curragh Mutiny, Cat and Mouse Act, Official Secrets Act, Friendly Societies, DORA, Derby Scheme  etc.? Et pourquoi MacKenna et pas les MacKenna duties ? Un renvoi systématique au glossaire dans le texte lorsque celui-ci mentionne des associations qui y sont répertoriées (par exemple Liberal League [30]) aurait été bienvenu. Certaines allusions gagneraient à être expliquées (Holt cave par exemple [50], au moins par un renvoi à l’auteur). Le système de circulation entre les fiches est peu commode et parfois inopérant. Les renvois à des titres de partie sans indiquer de page rendent la recherche difficile ; certains sont erronés (deux vérifications au hasard ont fait apparaître que l’Union of Democratic Control  [76] renvoie à la partie dans laquelle elle figure déjà et non à la partie suivante où elle fait en effet l’objet d’un développement. Idem p. 24 pour la Coupon Election). Enfin, pour en terminer avec les aides à l’étude et à l’analyse, soulignons le choix original d’intégrer en annexe sept affiches de propagande électorale, choix d’autant plus intéressant qu’il s’accompagne des adresses URL permettant de consulter en ligne les collections de deux grandes bibliothèques.  S’il est certain que cette initiative ne peut que stimuler la curiosité de l’étudiant, on regrettera, en revanche, que la provenance des affiches retenues ne soit pas indiquée.

Les réserves qui précèdent sont cependant largement éclipsées par la qualité des informations que ce manuel fournit en abondance à ses lecteurs. Le livre se divise en trois périodes « repères » : la première distingue les réformes de la période dite édouardienne (1906-1914) des crises auxquelles les libéraux durent faire face ; viennent ensuite la Grande guerre et enfin The Liberal Party Divided (1918-22) and Reunited (1923-24). Au fil du texte, des citations et /ou références à l’historiographie, très précieuses car elles feront gagner un temps appréciable aux candidats, viennent fréquemment étayer des points précis ou faisant l’objet de polémiques. C’est l’un des points forts de ce travail qui regorge, en outre, d’anecdotes et détails significatifs afin d’éclairer de manière originale certains aspects de la question (comme par exemple les pages sur la formation de l’Union of Democratic Control, la guerre à la mode libérale, la Coupon Election, etc.) La crise du monde du travail et l’examen du projet de Land Reform, en particulier, sont très clairement exposés, tout comme les divisions du parti [124-130] ou la débâcle libérale [134-140].

Faire le tour d’une question d’histoire politique aussi controversée est impossible dans un recueil de cette taille. Nos auteurs ont pourtant relevé le défi avec hardiesse. Il faut les remercier d’ avoir créé un outil pédagogique dont la lecture à la fois plaisante et instructive permettra aux candidats de se repérer plus facilement dans le labyrinthe de l’histoire politique britannique des premières années du XXe siècle et d’appréhender les grands axes d’une question dont la critique n’a vraisemblablement pas fini de débattre.

 

 

 

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