Back to Book Reviews

Back to Cercles

 

 

 

Janet Frame : The Lagoon and Other Stories

 

Ivane Mortelette

 

Neuilly : Atlande, 2010

Broché, 189 pages. 19,00€. ISBN : 978-2-35030-130-3

 

Recension d’Alice Braun

Université Paris Ouest Nanterre la Défense

 

 

Le programme de l’agrégation d’anglais 2011 met cette année pour la première fois à l’honneur une auteure néo-zélandaise, Janet Frame, dont l’œuvre riche et dense peine encore malheureusement à traverser les frontières de son pays d’origine. Si la littérature australienne parvient de plus en plus à faire sa place dans le canon littéraire mondial, la littérature néo-zélandaise reste encore trop confidentielle, pour des raisons liées notamment à l’éloignement géographique d’un pays qui se résume encore trop souvent dans l’esprit du plus grand nombre à des clichés touristiques.

Le choix du premier recueil de nouvelles de Janet Frame—qui a également publié un dizaine de romans—comme objet d’étude pour les agrégatifs français a attiré l’attention des éditeurs d’ouvrages d’aide à la préparation du concours, catégorie à laquelle appartient l’ouvrage d’Ivane Mortelette qui, après une thèse soutenue en 2004 sur le temps et l’espace dans l’œuvre de Janet Frame, se consacre cette fois-ci à l’étude de The Lagoon and Other Stories, dans un ouvrage publié en 2010 aux éditions Atlande. Donner les clés d’une œuvre parfois difficile, très ancrée dans un contexte culturel et personnel bien particulier, mais également d’une grande poésie, c’est donc ce que propose Ivane Mortelette, dans un ouvrage de toute évidence calibré pour les étudiants en préparation du concours de l’enseignement. Ivane Mortelette s’appuie ainsi sur une structure que l’on devine codifiée, sinon prescrite par l’éditeur, pour livrer des analyses très approfondies, qui prennent leur source dans sa longue fréquentation de l’œuvre de Janet Frame en tant que chercheuse qui a dévoué jusqu’ici sa carrière à l’étude de cette auteure. Cette position de spécialiste est en effet tout à fait essentielle pour mettre en lumière tous les enjeux littéraires de cette première œuvre, qu’il est indispensable de remettre dans un contexte biographique, culturel et littéraire.

Ainsi, l’ouvrage d’Ivane Mortelette se divise en trois parties distinctes et intitulées respectivement « Repères », « Thèmes » et « Synthèses et perspectives ». La première partie est sans doute la plus utile pour les lecteurs qui découvrent ce recueil de nouvelles, et l’œuvre de Frame en général, puisqu’elle propose des développements sur l’auteure elle-même, sur le contexte littéraire néo-zélandais et sur les conditions d’écriture et de publication de The Lagoon and Other Stories. En effet, lorsque l’on sait l’importance que revêt la publication de ce premier ouvrage dans la vie de Janet Frame, mais également dans toute une histoire littéraire nationale, dont il va constituer un jalon majeur, il paraît indispensable de rappeler un certain nombre de données factuelles. Certes, l’on pourrait remarquer que les débat autour de la surdétermination biographique des lectures trop souvent proposées de l’œuvre de Frame n’est pas abordé, sinon à la fin de l’ouvrage, mais il est évident que le genre et le format de l’ouvrage ne laissent pas la place à ce genre de nuances. Par ailleurs, il serait encore une fois illusoire de vouloir étudier ce recueil en dehors de tout contexte : ainsi, la troisième sous-partie de cette première partie, intitulée « Genèse et publication » propose des repères référentiels clairs, ainsi que l’élucidation de certaines allusions implicites. Ivane Mortelette s’engage clairement à faciliter la lecture de nouvelles qui, si elles distillent une impression de fausse innocence, ne révèlent pas immédiatement toute leur envergure à de premiers lecteurs. Encore une fois, on peut juger discutable l’analyse biographique qui est proposée ici (avec un paragraphe consacré à la « transposition de scènes vécues »), mais l’œuvre de Frame est, on le sait, très empreinte de son histoire personnelle dont les faits nous sont partiellement accessibles grâce à la publication de son autobiographie, qui offre rétrospectivement au lecteur des éclairages référentiels, dont Ivane Mortelette fait un usage clair et équilibré.

La deuxième partie est celle où s’exprime le plus librement la sensibilité et la finesse d’approche d’Ivane Mortelette vis-à-vis du recueil de Frame, dont elle propose une approche thématique basée sur des micro-lectures souvent très précises et très justes. Ainsi elle traite de l’enfance, des rapports entre individu et société, mais également de la question de l’identité, trois axes en effet majeurs de ce recueil de Janet Frame (mais également de son œuvre en général), successivement abordés dans des analyses qui naviguent avec aisance entre les nouvelles, jetant entre elles des ponts, établissant un réseau de significations très cohérent. Ivane Mortelette propose ainsi des analyses basées sur l’étymologie, l’intertextualité (faisant notamment apparaître l’influence de William Blake qui traverse le recueil), mais également sur des approches théoriques aussi diverses que la critique postcoloniale, et les réflexions du philosophe Michel Foucault sur la folie et le pouvoir, très utiles, en particulier, dans l’étude des nouvelles qui prennent pour cadre l’hôpital psychiatrique. Cette partie permet ainsi à l’étudiant d’approfondir sa connaissance de l’œuvre grâce à une lecture toujours très attentive à la structure thématique interne de l’œuvre, et qui n’enferme jamais le texte dans une interprétation univoque. Au contraire, Ivane Mortelette préfère lancer des pistes de réflexion que les lecteurs de son ouvrage auront tout loisir de poursuivre au gré de leurs propres lectures du recueil de Frame.

La troisième partie, enfin, se propose, comme son titre l’annonce, d’offrir une synthèse, ainsi qu’une ouverture de la perspective. La fin de l’ouvrage rassemble donc des considérations peut-être un peu hétérogènes, mais qui prises séparément, offrent un complément tout à fait essentiel aux lectures qu’Ivane Mortelette propose du recueil de Frame, tout en ouvrant la voie à ceux qui découvrent l’œuvre de cette dernière. La sous-partie intitulée « La poétique du recueil » présente l’étude d’autres aspects transversaux de l’œuvre, comme la structure des nouvelles, la problématique du discours ainsi que l’imaginaire de l’eau, à travers des références à Bakhtine et à Bachelard. Les trois sous-parties suivantes, quant à elles, se proposent notamment d’étudier l’évolution des thèmes du recueil dans les œuvres ultérieures de Janet Frame (dont un descriptif individuel très complet est d’ailleurs proposé en annexe) : une réflexion qui se révèle à la fois fructueuse pour l’étudiant de concours et susceptible d’entraîner ceux d’entre eux qui le souhaitent vers une découverte de l’œuvre de Frame dans son ensemble. Ainsi, l’ouvrage d’Ivane Mortelette se révèle d’un intérêt qui dépasse très nettement son but premier de préparation au concours, et ce, en grande partie dans la mesure où elle s’est approprié un cadre de départ un peu contraignant pour en faire une réflexion très personnelle et exhaustive, instruite par une connaissance longue et mûrie de l’œuvre et de son auteure.

 

 

 

 

Cercles © 2011
All rights are reserved and no reproduction from this site for whatever purpose is permitted without the permission of the copyright owner. Please contact us before using any material on this website.