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Anna Letitia Barbauld: Voice of the Enlightenment
William McCarthy
Baltimore: The Johns Hopkins UP, 2008. xxiv-725 p. 59 ill. $60.00 / £32.00. ISBN: 0801890160; ISBN: 9780801890161
Recension de Guyonne Leduc Université Charles de Gaulle – Lille 3
Trouvant place parmi les plus grands auteurs anglais selon la féministe Harriet Martineau, caricaturée par Oscar Wilde dans The Importance of Being Earnest sous les traits de Miss Lætitia Prism, Anna Letitia Aikin, épouse Barbauld (1743-1825), est qualifiée d'« écoféministe » (‘ecofeminist’ [xi]) par l’auteur de cette biographie qui se présente en vingt-deux chapitres chronologiques, aux titres thématiques.
Il s’agit d’une reconstruction de la vie de cette polygraphe plus que d’une biographie scientifique tant les éléments factuels et la correspondance, qui aurait pu aider à les pallier, sont lacunaires. Dans sa préface, « One of the Great Minds » [ix-xxiv], William McCarthy, professeur émérite à Iowa State University et auteur d’une autre biographie de femme des Lumières, Hester Thrale Piozzi : Portrait of a Literary Woman, prévient le lecteur du grand nombre de « would have », de « could have », de « might have », de « perhaps » et de « probably » qui émaillent le texte, soulignant toutes les hypothèses, toutes les conjectures auxquelles il s’y livre [xix]. L’expression « Is not known », aussi, est récurrente. McCarthy indique sa conception de la biographie : « A biography . . . may be considered a researched fiction, the imagining of a character and a story by inferences from previous documents » [xix]. Les termes « fiction », « imagining » et « story » sont éloquents.
Un travail de recherche très minutieux, mené, durant vingt ans, dans des bibliothèques et dans des fonds d’archives de dix pays, permit à McCarthy de dénicher des documents originaux, tels les vingt et une lettres et poèmes envoyés à Anna Letitia Barbauld par un ami parisien, le baron de Stonne. McCarthy annonce sa dette envers le travail mené, de 1932 à 1958, par Betsy Aikin-Sneath Rodgers sur le féminisme du début du XXe siècle et envers la thèse non publiée de Catherine Moore, « The Literary Career of Anna Laetitia Barbauld » (1969).
L’œuvre d’Anna Letitia Barbauld est très éclectique : poèmes, essais, critique littéraire, politique… Devenue célèbre par ses poèmes, elle passa la plus grande partie de son existence à enseigner avec son époux, Rochemont Barbauld, dans une école de garçons, à Palgrave dans le Suffolk, expérience qui lui inspira Lessons for Children (1778-1779) et Hymns in Prose for Children (1781), deux ouvrages qui révolutionnèrent, en Grande-Bretagne, l’apprentissage de la lecture et le champ de la littérature pour enfants. Le rôle d’Anna Letitia Barbauld fut aussi notable, entre Mary Astell, Hester Mulso Chapone et Mary Wollstonecraft, pour renouveler les idées relatives à l’éducation des jeunes filles, ce que démontre le chapitre intitulé « Legacy to Young Ladies » [491-511], au-delà de son ouvrage The Female Speaker (1811). Elle s’illustra aussi dans deux domaines a priori masculins, la campagne contre la traite des esclaves et la réforme du système électoral. Dissidente, elle appela de ses vœux la liberté religieuse tout comme la séparation de l’Église et de l’État en 1790. Son ultime poème et œuvre-clé, Eighteen Hundred and Eleven (1812), s’opposa à la politique gouvernementale. Si elle ne composa pas de roman, elle est associée au nom de Samuel Richardson, dont elle publia la correspondance en six volumes (1804), et à la défense de la lecture du genre romanesque par l’introduction qu’elle rédigea pour The British Novelists (cinquante volumes) ; chacun des vingt et un romanciers y est introduit par sa plume.
Deux cahiers d’illustrations de très bonne qualité sont insérés dans cet ouvrage dont l’appareil critique est riche. McCarthy livre quatre appendices [539-50] : « The Aikin House in Kibworth », « Rochemont Barbauld’s Disorder », « Iconography » et « Aikin-Barbauld Family Tree: Leading Figures in Five Generations ». Les notes, groupées à la fin de l’opus, sont abondantes, à la fois bibliographiques et thématiques [553-73]. Une rubrique « Barbauld-Aikin Sources » [675-87] est très utile puisqu’il n’existe pas d’édition complète de ses œuvres. Les deux volumes dirigés par sa nièce Lucy Aikin en 1825 comprenaient cent huit poèmes, dix-sept essais, les brochures politiques et quatre-vingt-quatre lettres. Dans A Legacy for Young Ladies (1826), Lucy Aikin rassembla un essai, treize autres poèmes ainsi que vingt-six conférences et jeux d’esprit provenant de manuscrits. Ces trois volumes furent réimprimés à Boston, en 1826, en incluant les écrits issus d’Evenings at Home, de Hymns in Prose et de deux de ses préfaces littéraires. Anna Letitia Le Breton, sa petite-nièce, publia, en 1874, la correspondance de sa grand-tante avec Maria Edgeworth. Pour trouver une édition complète des poèmes, il fallut attendre 1994 et Poems of Anna Letitia Barbauld, dirigé par William MacCarthy et Elizabeth Craft, qui réunit cent soixante et onze poèmes et fit renaître l’intérêt universitaire pour l’auteur. En 2001, ces deux chercheurs publièrent Selected Poetry and Prose of Anna Letitia Barbauld, qui reproduit cinquante-six poèmes, Hymns in Prose, deux brochures politiques, une sélection de British Novelists, ses essais les plus importants et quelques éléments courts. Cette rubrique est suivie d’une bibliographie non hiérarchisée, qui mêle sources primaires et secondaires [689-98], et d’un index nominum et rerum [699-725] très détaillé.
Cette biographie est très bien documentée, très érudite notamment concernant l’arrière-plan tant politique (national et international très tourmenté à l’époque de la Révolution française, qui préoccupa beaucoup cette femme engagée) que religieux, où tous les éclairages nécessaires sont apportés afin de saisir la spécificité de la pensée d’Anna Letitia Barbauld tout comme son ancrage dans son temps à travers sa participation à maints réseaux de sociabilité, démêlée avec soin.
Cercles © 2010
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