Contrastes Mireille
Quivy
Contraste, Mélanges offerts à Jacqueline Guillemin-Flescher est un recueil d’une grande richesse dont chacun des trente articles mériterait un compte rendu particulier, ce qui justifie la longueur très inhabituelle de cette recension. Les préoccupations des auteurs sont variées, certaines plus linguistiques, d’autres plus traductologiques, mais tous rendent hommage ici à l’esprit du chercheur, curieux et insatisfait, généreux de ses trouvailles et soucieux de les partager, qui transparaît dans les écrits que nous offre J. Guillemin-Flescher. Les articles sont passés en revue dans l’ordre où ils sont présentés dans l’ouvrage, la liste ci-dessous permettant au lecteur de se rendre directement par lien à l’article dont il souhaite plus particulièrement connaître le contenu.
Dans « Faut-il reformuler (c’est à dire traduire…) les mots d’enfants ? », Laurent Danon-Boileau nous montre comment, de glose en reformulation, de réduction d’un écart en perte de l’authenticité du dire, l’adulte cède à la tentation de reprendre la parole de l’enfant pour la faire sienne. « Je coule mon nez » ou « toi lampe ! », question d’identité corporelle, de distanciation encore imparfaite pour l’un, parole d’enfant battu se révoltant contre le père pour l’autre sont successivement analysés. L’auteur s’attarde sur le schéma linguistique de « l’insulte inouïe » : d’abord définie comme jugement sans copule, attribution d’une propriété injurieuse, l’insulte se démarque qualitativement et syntaxiquement de l’interjection relevée par Freud « toi lampe ! ». Cette dernière utilise un vocatif puis une notion descriptive née de la perception immédiate (et non qualitative), ce qui traduit la faillite de la capacité de représentation de l’enfant face au comportement abusif du père. « L’intention d’offenser le père subsiste, mais les mots en relation avec des contenus de représentation ou d’affect font défaut » [13]. Ce qui fait alors « injure à l’esprit », c’est « l’écart irréductible entre les exigences de la structure syntaxique et la nature des termes lexicaux » [14]. Le père qui reçoit cet énoncé « en vient à porter sur lui-même un jugement fortement dépréciatif en raison même de cette faillite [langagière] » [15]. La sidération est telle que l’auteur s’interroge en conclusion sur la création « culturelle » : « se pourrait-il que dans notre propension à reformuler les paroles bancales il entre quelque chose d’un effort pour échapper à la sidération où leur poésie risque de nous plonger ? » [15]. back « La Cohérence énonciative : les écrivains sont linguistes sans le savoir », Janine Bouscaren. Dans cet article, J. Bouscaren décrypte le travail du linguiste à l’affut de traces révélant les opérations énonciatives dans le texte. Aidé en sa tâche par les écrivains « qui nous donnent accès, en toute innocence, aux différentes valeurs découlant des opérations mises en jeu » [18], le chercheur est parfois conduit à adopter une approche comparative et aussi souvent contrastive qui le mène de texte source en texte traduit. Quelques énoncés sont analysés, dans lesquels apparaissent successivement les modaux shall et will, should, can, may. J. Bouscaren nous montre alors comment leurs valeurs sont annoncées, justifiées, ou commentées a posteriori par une glose narrative placée en incise, la force contrastive d’une situation par rapport à une autre, ou encore une question rhétorique émanant d’un sujet énonciateur. Mais cette étude ne se borne pas aux modaux. Elle met également en question le choix d’un prétérit par rapport à un présent ou encore de as par rapport à like, insistant sur l’identification opérée par le premier et la distanciation associée au second. C’est peut-être ainsi, en identifiant et en se distanciant que, partant du texte de l’écrivain, le linguiste peut livrer sa « construction théorique » [24]. back C’est semble-t-il bien là ce que fait Claude Delmas en nous livrant sa réflexion sur l’importance du genre auquel appartient le texte dans l’analyse que peut en faire le linguiste. « Fragment d’un discours culinaire » s’intéresse donc tout particulièrement à la facture d’une harmonie co-énonciative reposant sur un pacte linguistique entre une énonciatrice fictive et un lecteur construit que le texte met en scène. Analysant la nature du filtrage sémantique symbolisé par delta, l’auteur fait appel à d’autres éléments de corpus dans d’autres genres de textes. Pour lui, delta « rappelle qu’un élément sémantique ne trouve pas de projection linéaire. [...] N’ayant fait l’objet d’aucune instanciation préalable, cette absence ne signifie pas effacement » [28]. Un exemple probant est ensuite donné, dans lequel les verbes à l’impératif sont précédés d’un delta filtrant l’agent et parfois aussi d’un delta filtrant le patient. Dans le corpus choisi, la plupart des verbes « relèvent des actes caractéristiques de la cuisine » [30], ils sont sémantiquement contraints. En position delta, le sujet de ces verbes assume une double agentivité : celle conférée par son rôle lecteur et celle associée à son rôle agent lors de la mise en acte de la recette de cuisine. Se pose alors la question de savoir si ces impératifs véhiculent un schéma causal-résultatif. L’auteur conclut en soulignant la multiplicité des champs à explorer en marge des principes généraux de la grammaire : syntaxe, sémantique, négociation inter-énonciateurs, pragmatique, sémiotique sont autant d’ingrédients intervenant dans la recette de l’énonciation bien réussie et de la cuisine du sens. back Dans « Itinéraires d’un style », Frédérique Lab nous donne à goûter le plaisir de Barthes à déguster le texte ; « Folie de description » d’un Flaubert, se jouant de cette détermination qui conduit les éléments posés dans l’être du texte à se dissoudre dans leur présence même, présence « ambigu[ë], paradoxal[e], fallacieu[se] » [37]. Ce que donne à voir le texte de Flaubert, c’est, d’après l’auteure, le miroir déformant de la traduction qui permet le mieux de le saisir. La distorsion jouerait d’abord sur la localisation spatiale, contrainte en anglais, aléatoire en français, révélant au lecteur la double empreinte « des faits de langue et des faits de style »[40] ; fonctionneraient de même la détermination et ses effets de « brouillage de la frontière entre réalité et perception de la réalité, entre réalité et irréalité », la réalité n’étant ici sans doute que cet univers fictionnel nourri de mots jetés sur la page. Le plaisir de Barthes serait-il alors ce jeu du regard lisant qui courtise l’écart de la langue d’avec elle-même, l’invisible qui masque la référence et révèle l’ambiguïté ? Ce plaisir du texte serait-il en fin de compte la limite ultime du point de vue ? back Bruno Poncharal nous invite à réfléchir à « un cas limite » potentiel, au travers de « l’approche contrastive du point de vue en anglais et en français ». Il nous propose une traversée sémantique et syntaxique contrastive d’un fragment (non culinaire) de la « Garden Party » de K. Mansfield : « Now the broad road was crossed ». Effet point de vue à la Rabatel, rétrospection, texte mimétique de la frontière de deux mondes, conscience diffuse, focalisation indécise, représentation incertaine, co-incidence échouée entre perçu et pensé, entre extériorité et intériorité, rétrospection et introspection, émergence de la pensée, verbalisation articulée… Dans le now d’un personnage effacé par le passif l’agentivité n’est plus de mise. La dynamique des procès se fait stase et Laura voit s’ouvrir l’œil de sa conscience, spectarice de son propre parcours initiatique, sujet et thème tout à la fois, revenant sur le vide laissé béant entre les paragraphes découpant la matière textuelle. L'énoncé de départ, fort bien choisi, nous montre combien faits de langue, faits de style et écriture du point de vue forgent l’intime du texte et combien il est souhaitable que le linguiste ne récuse jamais le stylisticien et le narratologue qui veillent au fond de lui. back Abordant l’exploration de come en contrastivité, Hélène Chuquet s’attarde plus particulièrement sur la structure come + V-ing qui, outre qu’elle permet de « repérer l’événement d’arrivée » de X par rapport à un repère temporel, oriente également cet événement « par rapport au point de vue des sujets » [59] ; V-ing, quant à lui « spécifie les propriétés de l’événement perçu » [59]. Après cette mise en évidence des propriétés quantitatives et qualitatives de la structure, l’auteure envisage la traduction française des énoncés constituant son corpus. Elle y note une grande fréquence des verbes venir, arriver, accourir, qu’elle soumet ensuite à analyse en fonction des critères suivants : ponctualité, télicité, repères. Il semble difficile en français de conserver la totalité constitutive du « repérage complexe construit par la tournure come + V-ing » ; la translation se fait le plus souvent au profit de la description du mouvement, le français ne disposant pas de structure « permettant d’articuler le qualitatif sur le quantitatif » [66]. back Barbara Kuszmider rend un vibrant hommage à Jacqueline Guillemin-Flescher dans « Trois pistes de recherche pour un seul et même hommage » au travers d’une étude de l’imparfait narratif français et de l’imperfectif polonais à valeur perfective. Examinant tour à tour le caractère spécifique de la grammaire de l’oral en polonais, les prédicats d’achèvement et l’aspect ponctuel, l’itératif et le sémelfactif, l’auteure fait ressortir dans les deux langues « un même mécanisme de ‘mise entre parenthèses’, de ‘neutralisation’ de l’opposition aspectuelle » et conclut en formulant l’hypothèse d’une nécessaire implication du lecteur « venant combler » toute forme de déficit. back Pierre-Don Giancarli procède quant à lui à la mise en regard contrastive des « auxiliaires esse / être / be et avè / avoir / have + participe passé en corse, français, anglais : parfaits, passif pronominal ». Réduction de la valence verbale au passif, emploi de être, be et esse avec les intransitifs au parfait, orientation sujet, seraient des critères de rapprochement séduisants si have, avoir et avè ne venaient contrarier les similitudes de surface. L’auteur souligne la non-pertinence de certains critères (passivité du sujet, absence de contrôle) en corse où le sujet peut être ou ne pas être aspectuellement contrôleur du procès. C’est à la lumière du parfait que P.-D. Giancarli mesure alors les écarts entre parfait français et parfait corse (et anglais), l’un étant un présent, l’autre un aspect. Pour employer être au parfait, « le français doit s’appuyer sur un franchissement de F [provenant de] l’aspect lexical des procès [...] L’anglais s’appuie également sur l’aspect lexical, et sur le même type de procès, bien que la nature aspectuelle de son parfait lui permettrait [sic] de ne pas en être tributaire » [82]. En corse, en revanche, l’emploi du parfait implique un changement d’état. L’auteur se penche ensuite sur le sujet, patient, qui subit le changement d’état. L’article est présenté sous une forme didactique, les éléments essentiels de la progression de la pensée sont soulignés et, ainsi mis en relief, permettent au lecteur une accroche plus facile face à la densité et l’abstraction du texte. back Dans « Constructions verbo-nominales atéliques et types de procès », Agnès Celle étudie la carence manifeste du français en cette matière. Discutant du statut verbal possible du second élément de la structure verbo-nominale en anglais en reprenant les conclusions de P. Cotte et A. Wierzbicka, l’auteure constate le passage incontournable à la structure nominale en français. Reliant l’utilisation qualitative du déterminant a à l’atélicité des procès nominalisés, A. Celle postule que l’occurrence construite en français ne peut manifester la singularité. Dans une seconde partie consacrée aux procès téliques, l’auteure justifie la traduction de « when I made a dash at the wheel » par « j’étais déjà à la barre », précisant bien toutefois qu’ « en anglais le point d’aboutissement du procès dash est visé mais non atteint ». Suivent quelques autres exemples de structures incluant make (make a rush, make a guess, make a jab) que l’auteure décrit comme make + a BV. En français, il semblerait que le choix des traducteurs se soit porté sur le passage à « l’occurrence discrète » ou le changement de localisation, à l’aide de formes plus verbales que nominales. A. Celle étudie ensuite rapidement les utilisations du verbe faire + nom de procès (faire un pas, faire un geste, une tentative) en français et l’impact de la négation sur ces schémas. Examinant alors la relation entre have a + procès, elle dissocie « have a fall » de « faire une chute », l’un se construisant d’après elle à partir d’une occurrence typique alors que l’autre repose sur une « discrétisation de l’occurrence ». Elle termine sur take (take a sip, take a bite). Si les traductions proposées semblent parfois se plier aux contraintes de la théorie, l’étude n’en est pas moins éclairante, voire stimulante. back Dans « Formes schématiques des prédicats et constructions syntaxiques : étude de promise et promettre », Alain Deschamps oppose les compléments infinitifs en français (avec ou sans préposition, avec ou sans GN, avec ou sans co-référence) aux constructions anglaises qui, parallèlement, connaissent des structurations relevant des mêmes dichotomies. Il en vient ensuite à l’analyse précise de promise et sa complémentation douteuse par une proposition infinitive alors que la structure promise SN that est unanimement reconnue. En revanche, l’infinitive négative est, elle, attestée. Au-delà de la valeur performative du verbe, A. Deschamps souligne le caractère quasi déclaratif que prend promise, associé à une valeur visée positive matérialisée par la présence des modaux will ou would dans la complétive. Pour threaten, la relation intersubjective est centrale en anglais comme en français (menacer) et la valeur visée est négative, détrimentale. L’auteur en conclut qu’il est possible dans une démarche contrastive « d’esquisser une formalisation des formes schématiques des prédicats à partir d’un faisceau de relations fondamentales » [113]. back Dans « Quand think est traduit par trouver », Françoise Doro-Mégy nous livre une étude contrastive des emplois de think d’une part et croire, penser, trouver d’autre part. Quand think explicite la prise en charge d’un énoncé par un énonciateur donné, il renvoie soit à une approximation relevant de la modalisation épistémique, soit d’une manifestation d’un point de vue appréciatif. Le choix des exemples et de leur traduction est probant, mis à part le 8 / 8’. Les remarques qui suivent concernent la détermination du terme qualifié, l’interprétation appréciative de trouver, subjective, ponctuelle, ne s’accommodant pas de la généricité et encore moins de la construction d’une vérité générale. L’auteure démontre l’existence d’un lien entre l’utilisation de trouver et la nécessaire validation de la RP sur laquelle porte le jugement. F. Doro-Mégy note par ailleurs la position initiale de trouver, qui correspond à un degré d’assertivité plus grand qu’une position finale connotant l’incertitude et en conséquence plutôt occupée par un verbe de croyance comme je pense, je crois. Il en va de même pour la position médiane qui marque plus l’origine du discours qu’une prise de position. L’ensemble de cet article propose une étude fort intéressante et claire des sujets proposés en titre et nous ne pouvons que souhaiter que l’auteure la continue avec find, comme elle en manifeste le projet en conclusion. back Will (et la volition), verbe lexical et auxiliaire, au sujet animé, au dynamisme inhérent, sont soumis à l’étude par Jean-Marie Merle selon trois axes : fonction verbale et structure argumentale, sémantisme et transitivité, divergences syntaxiques, divergences sémantiques. Will permet trois structures argumentales, à un argument (emploi intransitif), à deux arguments (transitif en concurrence avec want), à trois arguments (ditransitif sur le modèle give). Sémantiquement, will procède de l’intentionnalité du sujet, le libre-arbitre de ce dernier entrant parfois en non-coïncidence avec le champ d’exercice de la volition. Acte mental fortement structuré, la volition ne s’exerce pas sur un champ objectif et l’effectuation qu’elle envisage ne repose que sur la qualité et la force de cette volition. Volition qui peut avoir pour objet le sujet lui-même, alors représenté par un réfléchi dans l’infinitive. Quelle est alors la marge entre causation et volition ? L’auteur oppose alors will et want et examine leur fonctionnement par rapport à la téléonomie, l’agentivité de Si, la présence d’un participe passé à essence résultative. Au sein des énoncés étudiés, seuls ceux incluant une manifestation de pourvoir « divin » semblent permettre à will d’être un maillon dans une chaîne causative, ce pouvoir garantissant l’effectuation, ce que ne peut la simple agentivité humaine ! Dans une quatrième partie, J.-M. Merle nous propose des traductions de will correspondant aux catégories d‘emploi spécifiques recensées antérieurement et qui viennent confirmer la grande qualité du travail d’analyse préliminaire. back Rhéa Delverondi, « Phrases interrogatives à valeur injonctive en grec et en français » interroge les marqueurs responsables de la valeur injonctive de certains énoncés interrogatifs. À l’ambiguïté de l’énoncé écrit se substitue à l’oral un schéma phonologique qui exclut un parcours des valeurs potentielles caractéristiques de l’interrogation authentique. Seuls sont candidats à cette injonction pragmatique les énoncés incluant des procès sélectionnant des sujets agents et qui mettent en place des structures ne décrivant pas des faits mais des événements non encore validés. Dans l’injonction, « la valeur visée est annulée » [143] car considérée comme déjà validée. La construction de la valeur d’injonction est donc liée à la présence du temps présent ou du futur en français, mais essentiellement dans un moment ultérieur à To — nous ne pouvons malheureusement commenter les exemples donnés en grec, n’ayant pas une connaissance suffisante de cette langue. De plus, le français « exploite l’intonation montante de l’interrogation en tant que marque d’instauration de la relation intersubjective » [146]. Bien que ceci ne soit pas la matière de cet l’article, il serait intéressant de voir quels résultats sont transférables à l’anglais dont les schémas syntaxiques et phonologiques sont essentiellement différents de ceux du français en matière d’interrogation. back Dans « L’inversion, une stratégie de mise en relief à plusieurs facettes », Lucie Gournay étudie les rapports entre inversion en anglais et inversion en français à partir de deux corpus unilingues, dans le but de montrer que « la focalisation argumentative, renvoyant au point de vue de l’énonciateur est propre au français, alors que les stratégies de mise en relief repérées par rapport au point de vue du coénonciateur sont typiques de l’anglais, en particulier quand celles-ci ont une fonction cohésive dans le texte » [156]. L’auteure envisage tout d’abord les cas d’inversion verbe-sujet dans les énoncés en incise, puis dans les phrases « affirmatives » au titre desquelles sont fournis les exemples suivants : « [...] nor in his heart did he really wish to » et « in the middle of the collection, incongruous, was a picture of me [...] », « From the primordial junk had risen chicken hutches [...] ». Les deux derniers exemples sont, d’après l’auteure, représentatifs de l’inversion dite complète par rapport au premier qui manifesterait l’inversion dite incomplète. Sont proposés deux tableaux de résumé des cas de figure concernant l’anglais puis le français. L’inversion est un sujet bien délicat car c’est tout d’abord son existence même qu’il convient de prouver. Lucie Gournay nous propose une approche très personnelle de la question et ouvre ainsi le débat. Nous ne pouvons que l’en remercier. back « Towards a non-unitary analysis of modality » par Raphael Salkie, s’intéresse à la comparaison des structures modales entre français et anglais. En tout premier lieu, l’auteur compare les emplois de can et may (morphologiquement défectifs) avec ceux de pouvoir (verbe « complet »). Après une définition de la modalité dans ses acceptions épistémique ou déontique, et une description de son corpus, l’auteur envisage les différents degrés de modalité (degree of modality) et procède à l’analyse des résultats issus d’une comparaison de cent exemples tirés aléatoirement du corpus et de leur traduction [173-180]. Le résultat final fait ressortir qu’il n’y a pas de recoupement sémantique véritable entre pouvoir d’une part et can / may d’autre part. Reprenant les travaux d’A. Deschamps, l’auteur en conclut que can nous dit que les conditions requises pour rendre une situation possible existent alors que may se contente d’affirmer que conditions et situation sont simplement possibles. « In other words, can is more factual than may » [181]. Il poursuit cependant en déniant à la « factuality » tout caractère discriminant entre can et may et conclut en rappelant la différence intrinsèque existant entre les modaux anglais et le verbe modal français : « We suggest that can, may and pouvoir cannot be analysed within a unitary framework for modality » [191]. back « Negative Polarity Items in English », de Susumu Kuno se situe dans le cadre de la grammaire générative et envisage les facteurs qui contribuent à la sélection du NPI, évoquant tour à tour la « C-command condition » et la présence d’une négation dans la structure de surface. En résumé,
« Quelques traductions de but interphrastique » par Guy de Montjou s’inscrit dans le cadre de la TOE. Après un rappel de ce que sont concession (intraphrastique) et opposition (interphrastique), l’auteur envisage d’étudier tour à tour les traductions de but par mais (relation d’altérité entre deux zones de validation, souvent marquée par le paramètre T), et le « connecteur » Ø (déstabilisation de la relation entre les occurrences et la notion). En conclusion, il affirme que « la valeur fondamentale de But semble être la reconstruction de la lexis tandis que celle de Mais est double, puisque ce marqueur renverrait tantôt à la frontière, tantôt à un travail sur une zone du domaine notionnel. On pourrait ainsi poser que But renvoie à ce qui serait de l’ordre de la construction notionnelle alors que Mais correspondrait à une préconstruction notionnelle » [202]. back Dans « Ordre discursif et choix du relatif, quelques remarques sur Which et Who », Ronald Flintham se penche tout d’abord sur le fonctionnement individuel de who et which au-delà des invariants relevés pour WH-. Au terme d’une première partie, l’auteur conclut que « les antécédents animés ont plus souvent un rôle de sujet que les inanimés, ce qui correspond à l’observation souvent faite qui donnerait cette fonction de sujet plus souvent aux animés » [206]. S’intéressant ensuite à la place de l’antécédent de la relative dans la proposition matrice (avant le sujet, entre le sujet et le prédicat, après le prédicat et position finale), l’auteur propose un tableau récapitulatif dont il ressort que les antécédents des appositives (et restrictives) en which occupent le plus souvent une position finale, donc focale (ce qui n’est pas le cas des déterminatives en that à antécédent inanimé). back Tout au long de « Les subordonnées en but : la genèse et le linéaire », Pierre Cotte nous emmène revisiter les emplois de but subordonnant relatif, adverbial (conséquence, concomitance, consécution), en cheville avec un comparatif ou un semi-négatif, ou encore complétif. Pour lui, « pour que le positif l’emporte, le négatif doit être gardé en mémoire. L’énoncé montre une genèse ou un étagement du sens dans le temps, où la valeur tardive recouvre celle la précédant sans l’annuler mais en reposant sur elle » [214]. Il met ainsi en valeur le positif au-delà de la double négation. Le français fait de même avec ne (étape précoce de la négation) et pas (confirmation de la négation) dont les variantes proposent un effacement de pas ou l’apparition du subjonctif : « personne qui ne fût (pas) satisfait de la voir en difficulté » [216]. Il en va de même pour but adverbial ou les énoncés de concomitance et consécution : « L’énoncé en but réélabore toujours une double négation classique qui figure dans son préconstruit : aucun but subordonnant en dehors d’une double négation présupposée que l’énonciateur souhaite dépasser pour finir par une subordonnée positive » [217]. Dans les extraposées, but manifeste une focalisation « it cannot be but offences will come » [218]. En ce qui concerne les complétives objets, l’auteur dissocie les subordonnées qui étaient positives à l’origine de celles qui étaient négatives, l’une comme l’autre étant finalement positives. Il semblerait donc que but subordonnant permette « la naissance du positif par inversion et focalisation », la genèse de la construction révélant son caractère éminemment complexe et justifiant peut-être que « la forme ait pratiquement cessé de s’employer » [220]. back Nous rappelant que « la diversité, et non l’unité, est au cœur des choses », Antoine Culioli s’attarde sur only et le jeu des « représentations qui se forme et se déforme, au fur et à mesure qu’il se construit » [221]. Only just / tout juste relèvent tous deux du dépassement d’un pas encore, du franchissement de la frontière entre ce pas encore (avant) et un désormais (dorénavant). L’auteur jongle ensuite avec les concepts d’existence et de reliquat, revenant sur l’étymologie d’une paire telle/quelle ou encore sur le vide que laisse le reste du reste. Cet article se lit et se savoure, il ne peut se commenter sans se voir dépouiller de sa verve ludique ; car c’est bien le jeu linguistique qui est en question ici, jeu sur le mot et jeu des mots, qui caracole aux côtés du flâneur solitaire au long de cet « entrelacs de sentiers à peine tracés » que l’auteur nous offre… en pâture. back « Quantification et qualification dans le système verbal de l’arabe », de Mohamed Chairet fait le point sur « le système verbal de l’arabe du point de vue des deux opérations énonciatives Qnt-Qlt » [229]. Dans un souci didactique fort louable, l’auteur commence par initier le lecteur non arabisant à la typologie des énoncés en arabe. Il envisage ensuite l’interaction des catégories verbales et des articles en fonction des deux critères Qlt et Qnt, démontrant que « la valeur de l’article, en arabe, dépend largement de la catégorie verbale co-occurrente » [234]. back Dans
« Quelques jeux du present perfect avec
les déterminations spatio-temporelles quantitatives et
les spécifications qualitatives », Anne Trévise
analyse les cas où le present perfect se trouve
étonnamment accompagné d’une détermination
temporelle effectuée par ago. « Par
rapport au prétérit simple qui, dans son utilisation
temporelle, situe spatio-temporellement une occurrence dans
le révolu, le present perfect simple joue sur
une délimitation qualitative prépondérante
à partir d’un repérage situationnel origine »
[236]. Les énoncés tels « the boards
[...] have been torn down a long time ago » ne sont
donc attestables que si « la détermination
joue sur le qualitatif » [237]. Antéposé
en position de repère temporel extraprédicatif,
le groupe en ago ne peut plus fonctionner qu’avec
un prétérit. De même si la mesure se faisait
précise et ramenait l’énoncé vers
la quantification (two years ago). « A note on the opposition between the French imparfait ‘de rupture’ and the imparfait ‘de description’ », par Henry Wyld, s’intéresse aux valeurs de l’imparfait en français. L’auteur mène son analyse dans le cadre de la TOE et de la théorie de la localisation, étude assortie de nombreux examens d’exemples et de schémas linéaires abstraits. back « Repérage temporel et mesure des intervalles en français et en anglais », par Claude Rivière, fait état des points de divergence entre les deux systèmes mentionnés. Après avoir défini repères et mesures, C. Rivière examine la façon dont est mesurée la durée « d’un procès qui est entamé avant un moment point de repère et qui se poursuit jusqu’à ce point de repère » [264] : have (présent) V-EN en anglais (décalage par rapport au point de vue), présent en français (contemporanéité du point de vue). Il nous rappelle le fonctionnement de depuis (mesure attachée au moment point de vue) / pendant (mesure détachée du moment point de vue) et for (mesure directe) / since (mesure indirecte) / during (repérage). L’auteur aborde ensuite la « mesure vers l’avenir » avec for/pour (mesure directe) et until/jusque (mesure indirecte). Parallèle dans les énoncés affirmatifs, cette mesure devient divergente « lorsqu’on mesure des états ou des actions négatifs » [267]. Le français ne semble pas distinguer entre mesure directe et indirecte ni entre mesure et repérage, contrairement à l’anglais. Envisageant les constructions de type prédicatif (it is / ça fait), l’auteur distingue entre mesure en plein (qui mentionne le terme à mesurer, P ou P’) et mesure en creux (qui mentionne le complémentaire du terme à mesurer, P’). Quant à la construction en ago, dérivée de agone (participe passé), elle est mise en parallèle avec l’ancienne construction en past [270]. Il y a … que et ça fait … que (structures focalisantes, que opérateur d’identification) sont ensuite rapprochées de it is … since (repérage du procès par considération de l’écart, mesure en creux de P’). La conclusion récapitulative offerte par les pages 273 et 274 est la bienvenue, qui reprend clairement tous les cas de figure énoncés antérieurement en les classant et les synthétisant. back « For dans un énoncé au prétérit traduit par ‘l’espace de’ » par Agnès Leroux postule que « la traduction de for par l’espace de obéit à des contraintes aspectuelles précises » [275]. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la brièveté n’est pas un critère suffisant à l’apparition de la locution l’espace de ; même si grand nombre d’exemples proposent en séquence for a moment, for est assez souvent traduit par pendant dans ce cas, tout comme moment peut l’être par instant. L’auteure analyse ensuite les rapports de la locution avec le temps et les procès inclus dans l’énoncé, ainsi que le passage de P à P’. « La traduction de for temporel par l’espace de correspond à une contrainte énonciative selon ce que l’énonciateur veut prendre en compte : la validation de P sur la sous-classe de t elle-même ou le passage de autre que P à p puis à p’. Le marqueur espace de indique que la sous-classe de t qui repère P est considérée comme une borne de passage de autre que P à p’ » [282]. back « La traduction du SP introduit par ‘with’, expansion du SN, examinée d’un point de vue traductologique », par Michel Ballard, étudie les différentes traductions possibles de ce groupe prépositionnel en français. Généralement utilisé pour la description, with GN a son homologue français introduit par avec ou à, voire simplement marqué par une virgule, ou encore rendu par une relative ou une participiale que l’auteur nomme « famille paraphrastique » [288]. « L’exploitation de ce principe en traductologie repose sur un phénomène, capital à nos yeux, qui est la transposabilité au niveau interlinguistique de schémas de paraphrase (ou, pour être plus précis, de schémas de reformulation équivalente) observables au niveau intralinguistique » [289]. M. Ballard passe en revue la recatégorisation directe du verbe (with en avoir), la transformation du SP en relative (with a purpose / qui a un but) où l’on voit souvent réapparaitre avoir, ou l’un de ses hyponymes (posséder, porter), ou la simple réduction de la relative à une participiale [293] (possédant, portant, pourvu de, garni de). Quand la négation suit with, elle intervient également en français sous la même forme (with no wooden seat / qui n’avait pas de siège en bois) ou sous forme de préfixe négatif (dépourvue de sièges en bois). Autre cas intéressant, « la réduction morphématique, où le sémantisme du verbe est généré par le nom qui suit la préposition [295] : « with a respect for / qui respectait ; with a sniff / qui reniflait ; with a belief / croyant ; with motor-cars / motorisés ». La relation étant sous-tendue par have, il est également possible d’interpréter la relation entre le groupe prépositionnel en with et le nom qui précède comme analogue à un génitif, ce que le français traduit par dont : « the face with the jaw moving / le visage dont la mâchoire manoeuvrait [...] » [297]. Un tel article est très utile pour les traducteurs auxquels il offre une justification des diverses options s’offrant à eux lors du passage d’une langue dans l’autre. Si les traces de surface diffèrent, il n’empêche que les structures sémantiques sont souvent communes ou du moins parallèles entre les deux langues. back « La traduction de ‘de’ par like », par Christian Boely, met en scène les conditions de traduction de ces opérateurs l’un par l’autre, qualification en français, qualification comparative en anglais : a nose like a boxer / un nez de boxeur [301]. L’auteur envisage brièvement les contraintes linguistiques qui opèrent dans les deux langues : ajout du comparant en anglais, ajout du marqueur de repérage ‘s. back « L’analyse différentielle comme moyen d’approche du phénomène traduisant », par Simos P. Grammenidis, revient aux sources de la traduction, privilégiant la relation entre linguistique et traduction, dite relation d’amour et de haine. Plaidant pour la réhabilitation de la linguistique comme outil du traductologue, l’auteur nous rappelle qu’il ne faut pas confondre « la traduction linguistique, cherchant à établir des correspondances d’une langue à l’autre, et la traduction proprement dite qui constitue un processus de communication supposant la mise en jeu de paramètres énonciatifs » [307]. Il recommande ensuite la pratique d’une étude différentielle des textes traduits : « L’activité traduisante n’est plus considérée en termes antinomiques de fidélité à la lettre ou de fidélité à l’esprit mais comme une opération de reconnaissance et de représentation des propriétés analogues stables entre deux langues » [313]. back « Traduire la terminologie de la traduction », par Teresa Tomaszkiewicz, pose le problème de la multiplication des termes de métalangue au service (?) de la traduction. Un essai de répertoire puis de traduction de ces termes en quatre langues a vu le jour (français, anglais, espagnol et allemand) auquel l’auteure a participé pour la traduction en polonais (1778 entrées). L’article dépeint les difficultés rencontrées face à une langue, le polonais, qui dispose de plusieurs notions pour rendre compte d’un seul mot, ou d’unités composées pour traduire des termes simples, voire ne possède pas de mot pour rendre compte par exemple de l’opposition entre traduction et interprétation. La traduction du texte de spécialité est donc bien problématique, ce qui rend doublement difficile la tâche du lexicographe dont les décisions figent les acceptions. back « Les
opérations référentielles dans la réflexion
théorique en traduction », par Tonia Nenopoulou.
Entre théorie de la communication et théorie de
l’information, le cœur du traductologue balance.
Le modèle proposé par A. Culioli « conduit
le chercheur à relier le linguistique et l’extralinguistique »,
lui permettant de passer « de l’empirique au
formel » [326] et c’est là, d’après
l’auteure, l’une des grandes qualités ressortant
du travail de J. Guillemin–Flescher. Elle aborde ensuite
le problème de l’équivalence, sorte de « relation
biunivoque de terme à terme entre deux langues »
[328] et de la délimitation terminologique. « Le
terme d’équivalence [...] se définit par
la mise en jeu de tout un réseau d’opérations
qui concerne l’attitude énonciative, à savoir
les relations prédicatives et énonciatives dans
une opération complexe qui représente en surface
la valeur de l’opération référentielle
à laquelle on a, chaque fois, affaire » [332].
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