Georgian Cities
CD-ROM
C.A.T.I.
(Cultures Anglophones et technologies de l’information)
Presses universitaires de la Sorbonne Nouvelle
Décembre 2001

Marc Puel
Université de Rouen



Une carrière universitaire nourrie de livres ne prépare pas particulièrement à l’examen critique d’un CD-ROM, fût-il le produit de cerveaux universitaires. Néanmoins il est légitime de comparer les services offerts par un CD-ROM par rapport à un livre. Précisons, tout d’abord, que nous avons utilisé un ordinateur portatif de la marque Toshiba, modèle 4000 CDS à matrice passive, 32 Mo, disque dur de 4,1 Go.

D’emblée on peut affirmer que la structure arborescente rend l’utilisation très différente de celle d’un livre. Certes, l’index du CD-ROM, tout comme l’index d’un livre, permet un accès rapide et ponctuel aux richesses de l’ouvrage. Cet index comporte surtout des noms de personnes, hommes de lettres, artistes, mécènes, médecins, mais aussi des toponymes et des notions comme « oratorio ». Notons que le recours à l’index peut mettre en évidence des éléments que l’exploration au moyen des menus est susceptible de manquer.

Qu’en est-il des menus ? Au départ deux voies d’accès sont proposées : ou bien on choisit l’une des trois villes suivantes : Londres, Bath et Edimbourg (Dublin, on peut le regretter, est exclue) ; ou bien on passe par quatre grands champs d’investigation : « Architecture », « Society », « Culture and the Arts » et « Religion ». On pourrait immédiatement soulever quelques objections à ce quadrillage des activités citadines : pourquoi l’architecture est-elle séparée de « Culture and the Arts » ? Pourquoi « Religion » est-elle séparée de « Society » ? On peut répondre que les chevauchements sont inévitables dès lors que l’on distingue entre divers aspects d’une réalité historique complexe ; il convient surtout de souligner qu’un CD- ROM permet justement de décloisonner les domaines d’investigation. Ainsi on trouvera des renseignements sur la musique d’église aussi bien dans la rubrique « Music » (« Music in Church » qui fait partie de « Culture and the Arts ») que dans « Religion ». Le CD-ROM se prête aux communications transversales.

Que se passe-t-il quand l’utilisateur décide de visiter en totalité telle ou telle branche ? Il faut reconnaître que cela est moins facile qu’avec un livre dans lequel on lit un chapitre donné de manière strictement linéaire. En effet la structure arborescente impose de fréquents retours en arrière. Partons par exemple de « Culture and the Arts » qui comprend les branches « literature », « theatre »., « Music », « Painting », « Science », « Clubs and Societies ». L’utilisateur commence, disons, par « literature », l’une des six branches nommées ci-dessus. Il doit retenir qu’il lui faudra revenir en arrière (en cliquant sur une flèche pointée vers la gauche) pour s’engager dans l’une des cinq autres branches. Une fois engagé dans « Literature » il se trouve face à de nouvelles subdivisions : « Literary Life » et « Cities described in Literature ». (Il est question de Fielding, Smollett, Sheridan et Jane Austen, mais pas de Fanny Burney). Prenons « Literary Life ». Nous voici devant un carrefour à cinq branches et nous savons qu’après avoir suivi l’une d’entre elles, il nous faudra revenir en arrière jusqu’au sommaire de « Literary Life » avant d’emprunter une des cinq autres voies. Ajoutons que de nombreux écrans proposent des passerelles menant à d’autres écrans qui, eux, appartiennent à d’autres branches. Si le néophyte s’égare il peut toujours cliquer sur « Menu » et revenir au point de départ. Le risque majeur est l’oubli de « rameaux » au cours de ces allées et venues. Tout ceci peut, au début, paraître déroutant. En revanche le CD-ROM offre une iconographie quantitativement supérieure à celle de la plupart des livres. La qualité des illustrations est bonne à l’exception des extraits de films. Prenons un exemple dans « literary life » : l’un des rameaux est intitulé « Coffee-houses » ; un écran présente un intérieur (de 1695) enrichi d’un essai de Steele. De là, en cliquant sur une flèche pointée vers la droite on passe à « Inns and taverns in 18th century London », avec photo et commentaire. De la même manière on peut maintenant passer à la reproduction d’un plan de Londres, Roque’s map of London (1746). En cliquant sur les toponymes de ce plan on obtient une vignette du lieu qui prend sa place sur le plan ; en cliquant sur cette petite illustration on l’agrandit aux dimensions de l’écran (par exemple : Covent Garden Theatre).

Les textes (en anglais) sont clairs et concis, mais peuvent laisser le spécialiste sur sa faim. Ils donnent souvent l’occasion de compléter l’information par un simple clic sur les termes apparaissant en bleu. Notons en passant que de rares coquilles subsistent : ofering (offering),accomoodate (accomodate), considred (considered), recommandation (recommendation), Lady Hutington (Huntington), Adams (Adam), pasion (passion), latitudinarism (latitudinarianism).

Ce CD-ROM de nature généraliste trouve ses limites lorsque sont abordées des notions esthétiques comme le baroque en architecture. Cette critique vaut également pour des termes comme « Jacobite » et « Dissent » pour lesquels la mise en perspective historique est minimale. On peut aussi regretter que parmi les architectes, Thomas Archer ne soit que mentionné, et que James Gibbs dont le texte de présentation souligne la fécondité, ait droit à seulement deux écrans (sur St Martin-in-the-Fields). On aurait aimé voir le métier d’architecte inscrit dans son développement historique (prestige social, place de l’amateur, mécénat). Les questions d’urbanisme (que le titre du CD-ROM annonce) sont abordées sous les rubriques « urban design » et « town planning ». Les méthodes utilisées par les géomètres sur le terrain sont abondamment illustrées (treize écrans). On notera qu’il s’agit presque exclusivement des quartiers et des demeures des classes supérieures et moyennes. Quant aux pauvres, ils n’apparaissent que sous la rubrique « Health and Poor Relief », l’une des branches de « Society ».

La supériorité du CD-ROM sur le livre est évidente dans le domaine de la musique. (« Music » est l’une des six branches de « Culture and the Arts »). Non seulement nous avons des illustrations visuelles des instruments de musique, de scènes et de lieux, mais aussi des extraits d’enregistrements de morceaux, dans une gamme allant des chansons populaires à la musique d’église. Les citations musicales sont très courtes (trop sans doute) mais de qualité, à l’exception de quelques enregistrements privés (certainement réalisés par des amis des auteurs). En tout il y a environ vingt citations musicales. On peut regretter que Handel n’ait pas eu droit à un traitement à la hauteur de sa notoriété et de son importance dans la vie musicale britannique au 18e siècle.

Venons-en aux références et outils de recherche appuyant et accompagnant la matière proprement dite. Nous avons déjà souligné la richesse et la commodité de l’index. La bibliographie ne diffère pas de celle d’un livre si ce n’est que certains écrans permettent d’accéder directement à des titres de référence. La bibliographie proprement dite est divisée en trois parties : livres, musées et centres de documentation, sources électroniques. La partie consacrée aux livres fait état d’une vingtaine de sources primaires, ce qui est peu : ainsi, ni The Spectator ni The Gentleman’s Magazine ne sont mentionnés. Les sources secondaires sont fort nombreuses. Par exemple on trouve 50 titres pour la seule ville de Bath. Hélas les aléas de l’informatique ne nous ont pas été complètement épargnés puisque le défilement de la bibliographie s’est arrêté à Poussou, Jean-Pierre  (l’écran affichant « script error » obstinément !).

Il convient finalement de souligner que les quelques imperfections signalées ne doivent pas décourager l’utilisateur potentiel de ce CD-ROM. Il faut rendre hommage à la quantité et à la qualité du travail fourni dans la mise au point de cet outil diffusé sous l’égide des Presses Universitaires de La Sorbonne Nouvelle. Même le dix-huitièmiste chevronné peut glaner d’intéressantes données : par exemple, la catégorie la plus nombreuses de la population des « work-houses » était celle des femmes entre 20 et 29 ans. Mais quel est le public visé ? A notre avis ce CD-ROM peut s’avérer utile à des étudiants de deuxième cycle, voire de DEA, recherchant un tableau général de la vie au 18e siècle et au début du 19e. Ce tableau devrait être complété par une étude du monde rural. Cet outil , fruit d’un labeur de pionniers, devrait aider, de manière agréable, à la mise en contexte de maintes oeuvres ayant vu le jour entre 1714 et 1830.

Cercles©2001